Récits de pèlerins médiévaux
Jean de Tournai, Jérôme Münzer, Léon de Rozmital, sont parmi les plus célèbres. Il y en a d’autres mais pas des dizaines. Leurs récits sont donc des documents précieux. Chacun dans son genre nous transporte dans son époque. Ils nous font partager les joies, les peines, les difficultés, les pensées de leurs auteurs. Leur façon de voyager, leur liberté de vie, le choix de leurs itinéraires aident les pèlerins d’aujourd’hui à cheminer dans leurs pas. Non pas en suivant ces itinéraires, il n’y avait pas de routes réservées aux pèlerins, ni construites spécialement pour eux mais en les observant dans leurs comportements et leurs relations.
Ces récits sont rarement cités et sans doute encore très peu lus. C’est dommage car leurs lecteurs se rendraient compte que ces pèlerins médiévaux étaient assez semblables à nous, à ceci près que, s’ils étaient tous catholiques, ils n’en étaient pas plus pieux. Ils regardaient beaucoup autour d’eux, en bons touristes curieux de découvrir les us et coutumes des régions traversées. Ils ne voyageaient pas tous en endurant des souffrances terribles, ils avaient de l’argent et payaient nourriture et auberges. Certains d’entre eux ne craignent pas d’affirmer qu’ils souhaitaient « acquérir des honneurs » et menaient joyeuse vie en chemin, sans pour autant être condamnables. D’autres vivaient d’incroyables aventures avant d’atteindre le sanctuaire. Au point que l’on peut se demander si le mot aventure, souvent utilisé pour annoncer un pèlerinage d’aujourd’hui n’a pas perdu son sens.
Peu de récits entre le Moyen Age et le XIXe
Les siècles suivants sont moins riches en récits mais offrent des documents permettant d’estimer le nombre et la qualité des pèlerins. Souvent de pauvres hères poussés à aller chercher du travail au-delà des frontières. Ce sont eux qui ont profité, plus que leurs prédécesseurs, des hôpitaux, mélangés aux pauvres de la charité chrétienne. Imagine-t-on de nos jours des pèlerins dans les accueils pour SDF ou migrants ? Plusieurs édits royaux de Louis XIV et Louis XV réglementant les pèlerinages témoignent de l’existence du pèlerinage sous leurs règnes, non pas pour des pieuses raisons mais pour fuir la conscription. Ces actes officiels sont souvent considérés, à tort, comme des interdictions de pèleriner. Sur les mêmes routes, se rencontraient des groupes fuyant plus ou moins l’Eglise Réformée et allant chercher du réconfort dans la très catholique Espagne.
Les XIXe et XXe siècles
Le XIXe siècle nous a livré nombre de pieux récits rédigés par des ecclésiastiques mais s’en était fini des pèlerinages à pied, l’abbé Pardiac, le curé Laurent d’Arce, le curé de Saint-Jacques de Douai, etc. voyageaient en chemin de fer, en diligence, en bateau. Ils ont créé un terreau fertile à la germination du pèlerinage contemporain.
Au XXe siècle, quelques précurseurs, chrétiens affirmés ou prêtres, ont repris la marche à pied, et transmis leur expérience Mabille de Poncheville, Dominique Paladilhe ou l’aumônier des étudiants de Bordeaux, le futur évêque du Puy et archevêque de Rouen, Mgr. Martin et quelques autres.
Parmi, en 1973, le père Sévenet, un ami prêtre et un groupe de paroissiens se retrouvent à Saint-Jean-Pied-de-Port et, à pied, prennent la route. Les paroissiens les ayant quittés après quelques étapes, les deux amis poursuivent avec pour seule aide le Guide Bernès, récemment paru (voir la Lettre 96 du 15 février 2021).
En 1978, paraît Priez pour nous à Compostelle, ouvrage bien connu du monde pèlerin. Ce best-seller des deux journalistes, Barret et Gurgand a suscité de nombreuses vocations tout en étant très néfaste pour la connaissance de l'histoire du pèlerinage. Albrecht Paul Sanders dont le témoignage est paru dans la lettre 179, fut l’un des premiers pèlerins nourris et en partie désorienté par leur expérience.
L’IRJ a eu la chance de retrouver les récits de deux autres de ces pèlerins qui leur ont emboîté le pas en 1981. Par hasard, l’un et l’autre avaient conservé leurs notes de voyage. Mais ce n’est pas par hasard qu’un éditeur leur a proposé d’éditer ces deux récits tant ils sont différents des manuscrits qu’il refuse régulièrement.
Le livre de l’été
C’est ce livre que nous vous proposons de lire pendant les vacances, laissant à deux journalistes de La Voix du Nord et de Sud-Ouest le soin d'en présenter les récits, comme ils ont eu le plaisir de le faire pour leurs lecteurs. Nul doute qu’ils ne vous incitent à le commander. Ces récits sont des textes « brut de décoffrage », sans ajouts ni fioritures. Deux témoignages devenus documents historiques. Les différences avec aujourd’hui les font appartenir à un autre âge, la bicyclette, monture moderne moins exigeante, ayant remplacé le cheval.
Aux éditions Cairn
En bref, un livre léger, frais, d’agréable compagnie.
Qui sait ? Complété d’un peu d’histoire de la naissance du pèlerinage contemporain, il serait peut-être devenu un nouveau Priez pour nous à Compostelle ?
Un retour à une vraie aventure, avec tous les aléas inévitables mais combien enrichissants. Un livre où la recherche de soi n’est pas un motif de départ si ce n’est de chercher à savoir de quoi on est capable.
Un feuilleton pour l’été
Le mois prochain, vacances de l'IRJ. En lieu et place de la lettre 181 nous programmons pour nos lecteurs, en feuilleton hebdomadaire, le récit du pèlerinage du père Sévenet durant l’été 1973.