Institut recherche jacquaire (IRJ)

Un article censuré par La Croix


Rédigé par le 5 Juillet 2013 modifié le 1 Février 2024
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Voici un article dont La Croix a jugé bon de priver ses lecteurs. Il avait été proposé par Denise Péricard-Méa après deux heures d'entretien avec une journaliste qui l'avait sollicitée en vue de pages spéciales à paraître sur Compostelle en juillet dans le cadre du 1200e anniversaire de la découverte du tombeau de saint Jacques. La veille de la parution, elle a été prévenue que cet article ne paraîtrait pas. Ce quotidien est évidemment libre de ses choix éditoriaux. Il l'est aussi de censurer les personnes qu'il sollicite sans leur fournir d'explications. Nos visiteurs pourront se faire leur propre opinion.



– On commémore cette année le 1200 e anniversaire de la découverte du tombeau de saint Jacques à Compostelle et 1 200 ans de pèlerinage. Que s’est-il passé en 813 ?

Au 8e siècle, les Sarrasins envahissent l’Espagne. Pour résister à l’Islam, les royaumes chrétiens ont besoin d’un protecteur puissant. Ce sera saint Jacques, dont les Actes des apôtres rapportent la décapitation à Jérusalem en l’an 44. Connu comme évangélisateur de l’Occident, un poème le désigne comme « protecteur et saint patron de l’Espagne ». Au siècle suivant, un tombeau, miraculeusement retrouvé en Galice, est reconnu comme étant celui de saint Jacques par l’évêque d’Ira-Flavia. Le roi Alphonse II, pour affirmer son pouvoir, y fait édifier une église. Histoire et légende sont intimement liées. 813 a été retenue comme la date symbolique de la découverte du tombeau, en lien avec la légende de Charlemagne, telle qu’elle est écrite au 12e siècle.

– De quel texte s’agit-il ? Quelle est son importance pour la renommée du sanctuaire galicien ?

En 1121, le pape Calixte II élève Compostelle au rang d’archevêché. À cette époque est constitué le Codex calixtinus à partir de textes antérieurs. Il raconte la Translation de saint Jacques et ses miracles, et inclut la Chronique de Turpin, récit rédigé quatre siècles après la délivrance du tombeau par Charlemagne. Inséré dans les Grandes Chroniques de France, ce texte fut largement diffusé dans les cours européennes où il fait connaître Compostelle, y attirant surtout la noblesse. La chronique a été reconnue fausse au 18e siècle.

– Qui étaient au Moyen Âge les pèlerins de Saint Jacques ? D’où venaient-ils ?

Il y a peu de traces d’étrangers venus à Compostelle dans les premiers siècles après la découverte du tombeau. Le plus célèbre est l’évêque du Puy, Godescalc, dont la visite est attestée en 951. Au Moyen Âge le pèlerinage n’avait pas le sens actuel de voyage de dévotion. Les voyageurs visitaient les sanctuaires tout en poursuivant leurs activités : commerce, artisanat, art ou combat. C’est ainsi que des chevaliers européens, participant à la Reconquista, visitent Compostelle.
Après la prise de Grenade (1492), le pape déclare Compostelle 3e grand pèlerinage après Jérusalem et Rome. Sa fréquentation augmente et n'est pas freinée par la Réforme. Le sanctuaire galicien attire alors que la Contre-Réforme a supprimé beaucoup de petits sanctuaires.
Le pèlerinage connut des périodes de déclin, en particulier du fait des guerres napoléoniennes, mais il n’est jamais tombé dans l’oubli. En juillet 1883, un groupe de 25 Assomptionnistes partis de Burgo de Osma où ils étaient exilés fit par exemple le pèlerinage. Une lettre, datée du 9 juillet 1883 mentionne : « Nous lisons La Croix avec amour. Nous prions bien pour elle à Saint-Jacques et nous avons fait toucher ses premiers numéros à la tombe ».

– À quoi est dû le succès actuel du pèlerinage ?

En 1884, Léon XIII publie la Lettre apostolique Deus Omnipotens reconnaissant les reliques de saint Jacques et relance le pèlerinage. Deux années plus tôt avait été édité, en latin, le dernier livre du Codex Calixtinus mentionnant quatre chemins qui se réunissaient à Puente la Reina et formaient le camino francés. Une traduction française est publiée en 1938 sous le titre de Guide du pèlerin. De nombreux érudits se mettent alors à chercher ces chemins. Pendant la guerre civile, Franco enrôle par ailleurs saint Jacques dans sa lutte contre les républicains et le communisme. En 1948, il émet le vœu d’ouvrir le camino au-delà du rideau de fer puis soutient son aménagement, moyen pour lui de se rapprocher de l’Europe. Promue par l’Espagne, l’idée de faire des chemins de Compostelle un symbole fort de la construction européenne, s’impose progressivement. En 1982, Jean-Paul II, en pèlerinage à Compostelle, proclame que « l’Europe tout entière s’est trouvée elle-même autour du mémorial de saint Jacques, aux siècles où elle s’édifiait en continent homogène et spirituellement unique » et l’exhorte à retrouver ses racines chrétiennes. En 1987, les chemins de Compostelle sont déclarés premier itinéraire culturel européen par le Conseil de l’Europe. En 1993, l’Unesco inscrit le Camino francés au Patrimoine mondial. L’Église de France, puis les évêques d’Europe, mesurant le potentiel spirituel du pèlerinage, s’efforcent de le favoriser et de l’accompagner. Depuis 1993, le nombre de marcheurs va croissant. Le pèlerinage répond aux attentes des femmes et des hommes d’aujourd’hui, qu’ils poursuivent une quête spirituelle, désirent marcher au long cours ou découvrir des richesses architecturales ou culturelles. Mais au final, la valeur attachée au chemin et à Compostelle est celle que ceux qui marchent vers ce qui les dépasse lui accordent, hier comme aujourd’hui.
Recueilli par M de S

Le pèlerinage n’est jamais tombé dans l’oubli

Si le pèlerinage à Compostelle existe depuis la découverte du tombeau de saint Jacques au 9e siècle, c’est au 12e siècle que Compostelle acquiert une véritable renommée. Au 20e siècle des chemins sont tracés et balisés et le pèlerinage prend une ampleur inconnue depuis son origine.
Denise Péricard Méa. Pèlerine de Compostelle en 1982, docteur en histoire, auteur de Compostelle et cultes de saint Jacques au Moyen Âge (PUF), anime avec Louis Mollaret une association de chercheurs indépendants : la Fondation David Parou Saint Jacques (1).

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La Fondation sera reconnaissante aux lecteurs de cet article de lui faire connaître les raisons de cette censure qu'ils peuvent deviner.

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Couverture du n°3362 de France Catholique
Couverture du n°3362 de France Catholique
Dans son numéro du 19 juillet, France Catholique consacre plusieurs pages à une interview de Denise Péricard-Méa, s'associant ainsi à la Commémoration nationale et aux ouvertures dont elle peut être l'occasion.