Allocution de M. François Piétri, ambassadeur de France
« Au nom et par ordre du maréchal Pétain, chef de l’Etat français, je suis venu à Saint-Jacques de Compostelle à l’occasion de l’année jubilaire, pour déposer aux pieds de l’apôtre, avec cette pieuse offrande, l’hommage et l’invocation de mon pays. Nous avons élu, pour « jour de la fête de Saint Louis, roi de France, afin de marquer, avec plus de ferveur et de force, tout ce qui, sous le signe éternel de l’Eglise, peut et doit unir deux grandes nations catholiques et les guider sur une route commune. Cette route s’est appelée, pendant cinq siècles, le « chemin de Saint-Jacques ». Elle a vu passer des milliers et des milliers de Français dont les prières sont montées dans le ciel de l’Espagne, mêlées à celles de vos aïeux, et ont fait de ce lieu sacré la basilique de la chrétienté occidentale et comme une vigie de Rome sur l’immensité de l’Atlantique. Au temps où le roi Saint Louis, fils d’une castillane mourait sur la terre d’Afrique en portant à ses lèvres la croix de son épée, les peuples de la vieille Europe, enflammés par un même et sublime idéal, et fédérés sous l’enseigne du Christ, accouraient déjà vers ce sanctuaire et écoutaient ensemble la parole de vie. En apportant aujourd’hui à l’autel de la grande paix chrétienne le salut douloureux de ma nation, je forme des vœux pour que l’Espagne de saint Jacques et la France de saint Louis, rapprochées comme jadis par les liens de la vraie foi, sentent à nouveau le bienfait de leur union et placent entre les mains de Dieu leurs destinées fraternelles ».
L’allocution du doyen de l’excellentissime chapitre de Saint-Jacques
« Près de 500 ans ont passé depuis qu’un illustre roi de France, Louis XI, alors dauphin, faisait don d’une somme importante à la chapelle du Sauveur, dans cette basilique, où se donnait d’habitude la communion aux pèlerins de Saint-Jacques. L’église de Compostelle n’a jamais oublié la largesse de ce roi croyant et généreux ».
Une précision est ici nécessaire :
si Louis XI dauphin a bien fait une donation importante en 1447, elle n’était pas d’argent car il s’agissait d’une « ingénieuse et magnifique forteresse en argent valant 1000 ducats ». Ayant appris que la cathédrale voulait vendre cet objet, il a obtenu du pape l’interdiction formelle de réaliser ce projet. N’aurait-il pas été entendu ? Il convient de rappeler que si ce roi a effectivement beaucoup donné à Compostelle, il n’a pas été le premier (voir l’étape 50).
Revenons à la suite de l’allocution :
« Et de même que Compostelle est reconnaissante de la magnificence par laquelle s’est distingué ce souverain français, de même l’Espagne, notre patrie bien-aimée, a toujours reconnu et reconnaît encore les beaux gestes de la France chrétienne, fille de saint Rémi, patrie de Clovis, de sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc, aujourd’hui conduite dans les chemins de l’infortune et du sacrifice, par le soldat aussi valeureux que croyant qu’est votre illustre maréchal Pétain. Votre excellence, par une haute inspiration, unissait tout à l’heure, dans sa belle invocation, l’Espagne à saint Jacques et la France de Saint Louis. Pouvait-on mieux définir la fraternité de ces deux nations, quand on les étudie à la lumière de leurs principes éternels, qui sont ceux-là même qu’a enseignés aux hommes le Christ Rédempteur ? Ni vous, ni nous-mêmes ne pouvons oublier que le saint roi de France dont c’est aujourd’hui la fête fut le très digne fils de notre Blanche de Castille laquelle, dans ses enseignements de mère, avait coutume de lui répéter chaque jour ces paroles : « mon fils, mieux vaut mourir que de pécher ». Ainsi s’explique l’indomptable bravoure avec laquelle Saint Louis lutta jusqu’à la mort pour la gloire de la croix contre le croissant, en même temps qu’il appliquait à sa propre vie les héroïques vertus d’un apôtre. Presque en même temps, dans notre pays, son propre cousin, notre grand saint Ferdinand s’illustrait lui aussi par cette double grandeur. Ces deux figures renferment et proclament, plus que toutes les autres peut-être, l’esprit de foi et de chevalerie qui fit si grandes, autrefois, nos deux nations chrétiennes. Si, dans votre patrie comme dans la nôtre ont surgi des erreurs et des vices, il faut les juger comme l’ivraie dont nous parle l’évangile, que l’esprit du mal a semée dans nos hérédités respectives. Laissons cela à la justice de l’Eternel et, lorsqu’il nous arrive de nous rencontrer, comme jadis et toujours avec foi et avec amour sur le « chemin de Santiago », maintenons-nous unis et demandons à l’apôtre qu’on appelait le fils du Tonnerre qu’il ne nous abandonne pas, qu’il bénisse nos peuples frères et qu’il les rende éternellement heureux. Mr. l’ambassadeur, que votre Excellence reçoive, au nom du Révérendissime et Vénérable Archevêque de Compostelle et l’Excellentisssime Chapitre, la plus cordiale bienvenue et l’expression de la plus sincère reconnaissance pour le beau vase sacré que vous venez, par une manifestation de votre foi dans l’efficacité de la sainte Eucharistie, de donner à cette chapelle que nous honorons du nom de « chapelle du roi de France ». Que notre apôtre béni intercède devant le trône du Seigneur en sollicitant pour votre patrie le plus grand soulagement à ses épreuves et à sa peine ; pour votre illustre maréchal le meilleur succès dans les heures de cruel sacrifice qu’il traverse ; pour nos deux pays enfin, la douce et catholique France et cette Espagne de saint Jacques qui, conduite par un chef providentiel, vient de sortir d’une terrible lutte contre les forces du mal, une pénétration réciproque dans leur foi chrétienne, l’amour de la Croix par-dessus tout et un esprit d’heureuse fraternité. Amen ».