Question :
Je viens d'acheter chez Drouot à Paris un méreau de pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il a été vendu sous l'appellation « méreau à la coquille ». Il est en plomb et mesure 1,7 cm. Je l'ai payé 20 euros. J'aimerais en savoir plus sur ce type de méreaux.
Réponse de Jacques Labrot,
président du Centre National de Recherche sur les Jetons et les Méreaux du Moyen Age
Un méreau n'est en aucun cas un jeton dont les fonctions bien spécifiques sont totalement différentes. Un méreau relève du « ticket » ou du « bon pour » ou du « reçu ». Le jeton n'était utilisé à l'époque médiévale que pour effectuer ses comptes sur une grille.
La désignation en tant que telle de méreau de pèlerinage, si elle est pratique, ne correspond à rien de précis. Aucun texte ne parle de méreaux remis aux pèlerins à Compostelle, au terme de leur voyage, comme attestation de visite. En revanche, les textes mentionnent des « enseignes » (autrement dit des insignes) qui peuvent être en plomb, étain, argent ou or, munies d’une bélière ou d'un système d'attache au vêtement. Ces « enseignes » font office de souvenirs.
Ce méreau présente à l'avers, une coquille et au revers un H surmonté d'une croix et entouré d’une bordure végétale décorative. Le style général du décor permet de situer cet objet dans une fourchette chronologique large allant de l'extrême fin du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle.
L'avers
Si la présence de la coquille évoque au premier regard un lien avec le pèlerinage de Compostelle, il faut se garder de tomber victime de cette première impression « émotionnelle » qui n’est qu'un leurre. En effet, si tant est qu'il puisse exister un lien avec ce pèlerinage, il ne pourrait être que très indirect. Nous connaissons quelques exemples de méreaux utilisés par des confréries Saint-Jacques (en particulier par la confrérie de Saint-Jacques de l'Hôpital à Paris) qui portent sur une face des coquilles associées à d'autres éléments (bourdons etc..). Ces méreaux correspondaient à des utilisations internes au fonctionnement de la confrérie (pièces de présence aux réunions, aux banquets) et n'attestaient en rien d'un quelconque voyage à Compostelle.
Le revers
Il s'agit selon toute apparence de l'H surmonté d'une croix tel qu'il apparaît dans le décor traditionnel et symbolique adopté par les Jésuites : « I H S » (Iesus Hominum Salvator, Jésus Sauveur des Hommes. La simplification en H seul peut avoir été recherchée pour évoquer une idée symbolique liée par exemple à l'ecce Homo de l'Evangile .
Si on admet que le méreau est lié à l'ordre des Jésuites, on perçoit mal la signification d'une coquille liée à Compostelle. Un jésuite faisait-il partie d'une confrérie Saint-Jacques ? Cette explication n'est guère satisfaisante.
Par contre, nous connaissons nombre de méreaux portant sur une face la symbolique, l'emblème de l'ordre et sur l'autre face, les armes (parlantes ou non) du possesseur du méreau. On sait que la coquille était également dans certains cas un meuble héraldique ou un élément d'armes parlantes (famille Coquillay par exemple).
En l'absence de tout contexte de découverte et en restant dans le pur domaine spéculatif, on peut donc supposer que ce méreau a pu appartenir à un Jésuite portant une coquille dans ses armes.