Institut recherche jacquaire (IRJ)

Franco et la tour Saint-Jacques à Paris


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 17 Avril 2014 modifié le 26 Juin 2014
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Pour la majorité des pèlerins, saint Jacques est l'apôtre évangélisateur. Mais le saint de Compostelle est aussi le Boanergues des Evangiles que les extrémistes sont toujours prêts à enrôler dans leurs combats. Peu de pèlerins contemporains sont conscients du rôle joué par Franco et ses successeurs dans le développement du pèlerinage tel que nous le connaissons aujourd'hui.



Une image peu connue

Franco et la tour Saint-Jacques à Paris
L'illustration choisie comme en-tête de cet article est une peinture murale de Reque Meruvia, qui se trouvait aux Archives générales militaires à Madrid. Peu connue, elle est aujourd'hui au musée des Armées à Avila. Elle date de 1948 et son titre est ALEGORIA DE FRANCO Y LA CRUZADA. Cette allégorie de la guerre civile illustre le lien entre Franco et saint Jacques. Galicien, le général Franco avait une grande dévotion pour saint Jacques qui apparaît ici au-dessus de lui sur son cheval blanc comme à Clavijo.
Certains voient ce chevalier blanc comme l'image symbolique du combat spirituel. Il serait le miles Christi,  le soldat du Christ. Le thème et le titre de la peinture indiquent bien qu'il ne s'agit pas ici de victoire sur soi mais de victoire par les armes dans les combats menés par Franco contre les Républicains.

Clavijo, le Matamore et Compostelle

La bataille de Clavijo où saint Jacques serait apparu pour la première fois dans un combat contre les Maures est légendaire. Les combats de la Reconquista qui ont fait donner à saint Jacques, au XVIIe siècle, le surnom de Matamoros, Matamore, tueur de Maures ne le sont pas. Ni non plus ceux de la guerre civile qui ont transformé le Matamoros en Matarojos, tueur de Rouges.
L'image ci-contre est celle de saint Jacques Matamore, sculptée par Gambino, tel qu'elle était présentée dans la cathédrale de Compostelle jusqu'en 2000. (Cliquer sur l'image pour consulter un article sur Matamore).
Franco a réhabilité le patronage de saint Jacques sur l'Espagne et ses armées. Il a donné un nouvel essor au pèlerinage à Compostelle, où de nombreux officiers et soldats nationalistes sont venus prier. Il a favorisé les recherches sur Compostelle puis fait aménager les chemins contemporains en Espagne après la fin des hostilités. En 1948, il exprimait le voeu que ces chemins " s'ouvrent au-delà du rideau de fer ".

Des Français ont fait la promotion de Compostelle

Les initiatives prises en Espagne par Franco et ses successeurs ont été activement relayées en France. Dès 1950, une association est créée à Paris par des intellectuels hispanisants bon connaisseurs de l'Espagne où ils avaient créé des liens dès avant la guerre (une première association avait été créée en 1934). Elle eut une grande influence sur le développement du pèlerinage contemporain. Une plaque de marbre,  toujours présente sur la tour Saint-Jacques, au centre de Paris, le prouve.
Plaque apposée sur la tour Saint-Jacques à Paris en 1965
Plaque apposée sur la tour Saint-Jacques à Paris en 1965

Une histoire dépassée

Témoin d'une histoire dépassée, cette plaque aurait aujourd'hui sa place dans un musée.
Chacun sait maintenant qu'il n'y a pas eu de millions de pèlerins de Compostelle au Moyen Age et qu'il n'y avait pas de points de rassemblement de pèlerins. La Société française des amis de saint Jacques le croyait encore en 1965 quand elle a fait offrir cette plaque. La connaissance historique a progressé et montré comment les exprits s'étaient enflammés au début du XXe siècle
Par contre les recherches sur les cultes à saint Jacques ont mis en évidence l'importance du patrimoine qualifié de " jacquaire " car il est né de ces cultes. L'église Saint-Jacques de la Boucherie dont la tour Saint-Jacques est le dernier vestige conservait des reliques de l'apôtre. Il serait temps de la reconnaître pour ce qu'elle est dans le patrimoine français et de ne plus la réduire, au profit de la Galice, à une fonction de balise sur les chemins de Compostelle.

Cet article met à jour l'article paru en 2011 sous le titre Franco, saint Jacques et Compostelle