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Rédigé par le 8 Mars 2023 modifié le 1 Février 2024
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Pour une fois que des sportifs manifestent leur intérêt pour l'histoire, nous nous faisons un plaisir d'apporter ici de modestes compléments aux informations fournies par les organisateurs du Grand trail du Saint-Jacques sur leur site officiel.



La présentation du site officiel

« Le Grand Trail du Saint-Jacques vous propose de découvrir le GR 65 à contre courant, croisant quelques pèlerins (moins nombreux fin septembre), quelques étapes historiques (Saugues, Saint Privat d’Allier, le domaine du Sauvage…) ... »

Les coureurs sont invités ainsi :
« VENEZ VIVRE UNE AVENTURE PERSONNELLE SUR UN SENTIER DE LÉGENDE ! LE CHEMIN DE SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE (GR65) »
« Fouler le Saint-Jacques revêt pour chacun, quelles que soient ses motivations et ses convictions, une signification particulière. Inscrits au patrimoine mondial de l’Humanité, cet itinéraire mythique et son point de départ historique à la Cathédrale du Puy-en-Velay voient défiler chaque année des centaines de milliers de pèlerins, originaires de toute la planète. L’idée d’organiser une grande course nature entre le plateau du Gévaudan, à 1300 m d’altitude et le Puy en Velay, va permettre à des milliers de coureurs de se frotter à la légende d’un sentier dont chaque pierre, chaque hameau traversé, chaque sous-bois, chaque racine, chaque panneau, chaque croix…, semble habité d’une âme et nous murmure à l’oreille des fragments d’histoire.  »

Confirmation de l'origine historique du Gr 65

Ayant eu en mains une copie de l'ancêtre des topos-guides du GR 65, ronéoté en 1972, nous sommes en mesure de préciser les débuts historiques du GR 65. C'est en effet au début des années 1970 que le CNSGR, prédécesseur de la FFRP a demandé que soit tracé un sentier au départ du Puy.
L'un des artisans de ce travail en a témoigné dans une communication à la Société Académique du Puy au début des années 2000, article qu'il nous a autorisés à reproduire en 2003.

Les fragments d'histoire attachés aux pierres, sous-bois, hameaux, racines sont donc âgés d'un peu plus de 40 ans. Quant aux panneaux tous n'ont pas été posés par ces pionniers. Il est légitime de les considérer comme moins historiques. Ce qui n'enlève rien à leur caractère indispensable.

Un tour de passe-passe

Le livre qui explique la supercherie
Les chemins de Compostelle en France ont effectivement été inscrits sur la liste du Patrimoine mondial en décembre 1998. Cette inscription a été obtenue au mépris des règles de l'UNESCO par un tour de passe-passe dont les politiques ont le secret.
En effet, les chemins n'étant ni définis de façon précise, ni protégés ne pouvaient pas être inscrits si les critères de l'UNESCO avaient été appliqués. La France a donc proposé l'inscription de 71 monuments présentés comme " représentatifs des chemins de Compostelle ".

A cet ensemble disparate, qui comprend entre autres un dolmen, ont été ajoutés sept tronçons du GR 65, ont été choisis,a été considéré par l'UNESCO comme " Un seul Bien " dénommé " Chemins de Compostelle en France ".
Quelle belle entourloupe ! Il en résulte l'arithmétique fantaisiste 71 + 7 = 1.

Au Puy des centaines de milliers de pèlerins ?

" cet itinéraire mythique et son point de départ historique à la Cathédrale du Puy-en-Velay voient défiler chaque année des centaines de milliers de pèlerins ",

L'histoire contemporaine montre que l'exagération est une pratique habituelle pour tout ce qui concerne Compostelle.
Il y a une dizaine d'années il était communément question de millions de pèlerins. Aujourd'hui les nombres avancés s'expriment effectivement en centaines de milliers. Mais il s'agit des pèlerins arrivant à Compostelle ! Prenant ses désirs pour des réalités, la ville du Puy aura sans doute fait croire aux organisateurs du trail que tous partent du Puy.

Cette erreur concernant le nombre de pèlerins a été entretenue par l'Espagne avec des complicités françaises, comme en témoigne cette plaque apposée en 1965 sur la tour Saint-Jacques à Paris.

La faute à Godescalc

Si Le Puy a été adopté comme point de départ pour Compostelle, on peut dire de façon triviale que c'est " la faute à Godescalc ".

Cet évêque du Puy s'est en effet rendu à Compostelle en 951. Ce voyage est historiquement attesté, mais on ne sait rien ni de ses buts, ni du trajet qu'il a emprunté avec sa nombreuse suite.Ceci n'empêche pas que l'on dise au Puy que Godescalc a ouvert la via Podiensis. Ce voyage a été oublié jusqu'au XIXe siècle. Son exploitation au profit du Puy comme point de départ pour Compostelle a recommencé avec Mgr Martin, évêque du Puy pendant la guerre et ancien pèlerin de Compostelle. (voir l'article en lien sur l'image)
 

Vendre du rêve avec le vent de la course

La présentation du trail se poursuit ainsi :

" En effet, le trail a le vent en poupe et on en dénombre près de 2 000 à travers l'hexagone. Il s'agit donc de se démarquer dans l'organisation de cet événement : "il y a certes le côté nature, comme dans beaucoup de trail, mais il y a aussi le côté historique du chemin qui devrait nous permettre d'attirer d'autres populations", espère Corinne Goncalvès ".

" C'est donc sur un parcours hors du commun, à travers des contrées chargées d'histoires, véritables ou légendée, que l'organisation a décidé de miser. L'un des deux ambassadeurs, Patrick Bringer, abonde dans ce sens : "cette épreuve est promise a un très grand avenir car au-delà du côté nature, il y a une vraie approche historique. Les coureurs sont très sensibles au patrimoine et à la nature ".

Mélanger l'histoire, les histoires et les légendes est bien propre à faire rêver. La multiplication du nombre de chemins de Compostelle entraînera sans doute l'augmentation du nombre de trails utilisant Compostelle comme support de promotion. Ici s'ouvre un nouveau domaine pour la recherche sur ce passionnant phénomène contemporain.

Un commentaire de visiteur conduit à préciser l'expression " même l'Eglise ment "  terminant la Brève concernant le dossier consacré par le magasine Grands Reportages aux chemin de Compostelle. 



Cette affirmation est évidemment trop générale et regrettable. Il fallait la comprendre dans le contexte local de l'article incriminé concernant Le-Puy-en-Velay. Son emploi dans ce contexte est justifié mais mérite des explications.

Le discours habituel tenu en cette ville à propos de Compostelle comporte en effet beaucoup d'affirmations qu'aucun historien ne peut valider mais dont  plusieurs sont confirmées, sinon inspirées par l'Eglise locale. Certains de ses responsables ne tiennent pas compte des preuves manifestes qui leur sont fournies, allant jusqu'à prétendre " qu'on peut faire dire aux textes ce que l'on veut ".

Voici quelques exemples qui ont conduit à l'usage du verbe  mentir (pieux  mensonges sans doutes) :
- l'hôtel Dieu du Puy n'a pas été construit pour les pèlerins de Compostelle, mais pour ceux venant vénérer Notre-Dame du Puy,
- il n'a jamais eu le vocable Saint-Jacques, sauf dans le dossier de classement au Patrimoine mondial présenté par la France à l'UNESCO,
- les archives ne possèdent pas d'acte de fondation de cet hôpital,
- l'évêque Godescalc, n'a pas ouvert la via piodiensis, sinon symboliquement, puisque personne ne sait par où il est passé ; cette voie a été tracée dans les années 1970,
- aucun document n'atteste que la construction de l'église Saint-Michel-l'Aiguilhe, certes postérieure à son voyage à Compostelle, ait un rapport avec lui,
- la statue du XVe devant laquelle les pèlerins sont bénis chaque matin a été acquise par la cathédrale dans les années 1990 (mensonge par omission de ne pas donner cette information aux pèlerins)

Parfois, la tromperie est recouverte par l'affabulation, ainsi peut-on lire sur le site de la cathédrale :
 " Il [le corps de saint Jacques] resta ignoré jusqu’à ce qu’au début du IXe siècle, le 25 juillet 813, une étoile ne vînt indiquer à un ermite du nom de Pelayo l’emplacement de la sépulture"...
 Il ne reste plus qu'à écrire que c'était un dimanche et que là est l'origine des années saintes !