Vista Alegre entre en scène sous la plume de Jaime Figueras
« Je remercie Denise Péricard-Méa de l'opportunité qu’elle m'a offerte de faire l'effort de rédaction qui peu à peu m'a reporté à mon adolescence.
J'ai perdu mon épouse il y a quatre ans et quand Noël approche mon moral est bas. Mais en pèlerin que je suis, je dois dire : Ultreia et Suseia !!!
Un million de mercis. Et un heureux Noël 2010 ».
En juillet 1948, elle a accueilli le camp scout dans son parc pendant la durée du séjour à Compostelle. Jaime Figueras en a conservé un souvenir ému :
« Je n'ai pas le moindre souvenir de mon arrivée à Santiago. En revanche je me souviens de l'entrée à la propriété Vista Alegre, située dans les environs de Santiago et où, dans la chênaie du fond, nous avions planté nos tentes…
La routine était des plus agréables. Après la messe de 9h nous nous préparions le petit déjeuner près des tentes sous un auvent qui était dans un angle du mur de pierre entourant la propriété. Il y avait une grande table et un banc de pierre qui nous servaient de salle à manger.
Le premier matin nous sommes allés présenter nos creancials et les réunions des jeunes de toute Europe ont commencé. Nous, les petits, nous n'y assistions pas. Ce dont je me souviens est que le père Batlle a connu le délégué de l'époque des Jeunes du Vatican, Monseigneur Pignedoli, la personnalité la plus importante de ce pèlerinage qui a daigné visiter notre campement ».
Puis le temps a passé et, dit-il, « en ce qui concerne Vista Alegre, j'ai essayé de la localiser en 2000, sans succès puisque je la cherchais en dehors de la ville et qu’actuellement elle est à l’intérieur ».
Miracle…
Jaime reste pétrifié ! Mercedes se souvenait même de lui, le plus jeune, « l’un des enfants de chœur ».
On imagine la suite de la conversation…
A son tour, Jaime demanda à Mercedes de « le compléter par un récit présentant le domaine de Vista Alegre où il a campé avec ses compagnons de pèlerinage ».
Souvenirs de Mercedes de ce pèlerinage de l’été 1948
« Je me souviens très bien de l'arrivée de ces garçons catalans disciplinés et corrects, dirigés par l'aimable et éclairé prêtre Mon. Antonio Batlle. Bien que nous ayons toujours accueilli les pèlerins en détresse, à l'âge de 10 ans, cette nouveauté de jeunes étudiants campant dans notre bosquet avec leur vitalité joyeuse et sonore me remplissait d'impatience. Nos aînés ont préparé à l'avance les huit frères et sœurs, avec rien de moins que les conseils du Codex Calixtinus :
" Tous les pèlerins de Santiago, riches ou pauvres, qui se rendent à l'autel de l'Apôtre, à l'aller comme au retour, doivent être reçus très bien et humblement, avec une grande charité de la part de tous les gens, et celui qui les reçoit bien et leur donne un bon traitement et un bon logement, n'aura pas seulement le pèlerin comme hôte, mais saint Jacques et notre Seigneur Jésus-Christ qui a dit : qui vous reçoit, me reçoit ".
Face à ces recommandations sérieuses et précieuses, mes frères et moi avons essayé de les traiter avec une discrétion vigilante et affable. Chaque jour, nous nous rendions à la chênaie avec un panier de pommes, une cruche de lait, une savonnette, un cachet d'aspirine, des pansements ou les œufs que les poules avaient pondus le matin. Mon frère Javier, qui avait huit ans à l'époque, me rappelle encore parfois : ‘ton ami Jaime et ses copains ont encore une dette envers moi’ : une fois, alors qu'il leur apportait une corbeille de fruits, il reçut, je suppose de la part de Mgr. Antonio, une pièce de monnaie pour des friandises. En arrivant à la maison, heureux de son trophée, mes parents l'ont réprimandé pour l'avoir accepté, car l'aide à un pèlerin doit être charitable et gratuite. Ils l'obligèrent à revenir sur ses pas pour le rendre, ce qu'il fit la tête basse.
Mais ce dont je me souviens le mieux, c'est de la messe quotidienne de Mon. Batlle dans la chapelle, de ses homélies pastorales et du petit déjeuner qui suivait avec le récit des événements de la veille et le programme du jour.
Le domaine de Vista Alegre, d'une superficie d'environ quatre hectares, était située à la périphérie de la ville, aujourd'hui la villa est intégrée au centre historique. Elle conserve sa configuration originale et particulière et des vues privilégiées sur San Francisco et les tours de la cathédrale, qui lui valent son nom ».
La conclusion de Jaime
« En 2003 j'ai parcouru le Chemin avec l'époux de Mercedes et finalement j’ai pu connaître la nouvelle Vista Alegre, transformée en un centre Européen de Culture de Santiago. La Villa s'est convertie en résidence des professeurs et universitaires qui donnent les cours et dans l'énorme jardin on a construit l'Auditorium et l'école supérieure de Musique. J'ai eu la satisfaction de reconnaître la chênaie de notre campement mais non l'auvent, qui avait disparu. Après avoir demandé notre table de pierre, on m'a conduit à l’endroit du jardin où elle avait été placée et, un instant, il m'a semblé y voir nos plats en aluminium et le père Batlle bénissant la table et sa nourriture. À partir de ce moment, presque chaque année je suis allé terminer le pèlerinage à Vista Alegre. Cet automne je l'ai fait avec un couple suédois que j'avais rencontré et je leur racontais en visitant ce que le lecteur achève de lire. Après être arrivés à la table de pierre ils ont fait la photo ci-jointe ».
https://www.institut-irj.fr/Recit-d-un-pelerin-de-1948_a105.html
Nota : ce récit est illustré de l'image d'une autre affiche de l'année sainte 1948, éditée par l'Action Catholique de la Jeunesse Espagnole