Ce qui a changé sur le Camino
« Péniblement nous arrivons en même temps qu'un bel orage : d'abord réticents, des gens nous concèdent une remise à tracteurs, puis s'ingénient à nous aider. Ils mettent au sec nos équipements imprudemment laissés près de la porte, nous offrent un matelas de mousse… et une conversation qu'Etienne alimente au coup par coup, embusqué derrière son dictionnaire ».
« De laborieuses palabres et l'aide d'un brave homme qui a travaillé en France »
« Trempés, nous nous réfugions quelques instants dans une station-service : le pompiste, compatissant, nous réchauffe d'une rasade de vin ».
« L'étrange procession des troupeaux qui, au sifflement de leur berger, se rendent au ruisseau puis à la bergerie ». « Sur un versant de la montagne un troupeau de chèvres et de moutons tintinabulle de toutes ses clochettes, tandis que le berger improvise d'une voix puissante un flamenco auquel se mêlent d'étranges sonorités arabes ».
« Sur la route, des files de petits ânes chargés de foin, de sacs ou de leurs propriétaires nous rappellent à la modestie ; après tout, nous ne portons que 14 ou 15 kilos ! ».
« Des bergers, canne à la main, houppelande roulée sur l'épaule, nous souhaitent le bonjour ».
« Tous sont au travail dans les champs ou sur les aires à blé, tournant inlassablement au pas lent des mules, pour écraser les épis que les femmes retournent à la fourche ».
« Le lavoir fréquenté par des femmes silencieuses et efficaces »
« A la fontaine on y remplit sa cruche, on cause, on rince la lessive en jetant un regard furtif aux étranges pèlerins qui se restaurent à l'ombre du clocher ».
Disparue aussi, la fontaine de Lavacolla qu’ils ont cherchée sans la trouver.
Cirauqui, Castrojeriz, Acebo, devenu un village touristique, avait
« pour rue principale un torrent de purin et de boue ».
Calzada del Coto qui en 1973, était « un village pauvre et sale » a bien changé aujourd'hui.
« L'ancienne chapelle S.Nicolas, fortifiée, elle me fait penser à quelque ancienne prison pour pèlerins impénitents ».
« la voie est de terre et de cailloux, mais large et récemment aplanie ; hélas, quand nos petits-enfants prendront à leur tour le camino francés, elle sera probablement goudronnée et bordée de bons hôtels ».
Les successeurs du guide Bernès 1973
En 1986, il publie la 3e édition, en collaboration avec Georges Véron et Louis Laborde-Balen.
Ce dernier publie un guide en 2008 mais sans citer l’abbé Bernès. Il lui emprunte pourtant beaucoup d’informations historiques ou légendaires.
Le Bernès a été abondamment copié, mais seule la première édition contient des informations introuvables ailleurs, sauf peut-être, en Espagne. Il colporte des propos lus ou entendus, dont beaucoup méritent d'être vérifiés.
J’en ai relevé quelques-unes, qui ont sans doute enchanté les pèlerins rêvant devant les lieux cités ou préparant l’étape du lendemain. Elles sont géographiques ou historiques, rapportent des souvenirs à l'authenticité parfois douteuse, créent ou modifient des légendes.
En voici des exemples.
Le guide Bernès 1973, des informations et des traditions orales
L’ancienne chapelle, orientée Est-Ouest, était construite de telle façon que les eaux de pluie qui tombaient sur son toit allaient à la Méditerranée ou à l'Atlantique selon la pente sur laquelle il pleuvait.
Au XVIe siècle un ermite sonnait la cloche jusqu’à 1h avant la tombée de la nuit quand il y avait de la brume pour guider les pèlerins.
Au XVIIe siècle les pèlerins y dormaient pour n'arriver à Roncevaux que le lendemain.
Au XIXe, en1801, on la relève de ses ruines, en 1884, des soldats imprudents y mirent le feu.
En 1965 elle fut reconstruite sur de nouveaux plans mais sans respecter son orientation primitive ».
La chapelle du Saint-Esprit, le « vieux cimetière des pèlerins sert encore de cimetière aux habitants du hameau ».
A l’entrée du pont de la Madeleine. « Croix offerte par Compostelle en… 1965 ».
Sur la route de Burgos, la porte romane du cimetière : « ce sont les mains expertes et pieuses d’un simple maçon qui ont recueilli ces belles pierres dorées et les ont rebâties en ce lieu sacré avec un sens de l'art et un amour des belles choses ».
Deux dictons à propos de ce lieu « Beaucoup de lits mais peu de draps » et
« Si tu veux voler va-t-en aux Montes de Oca ».
Entouré de plateaux déserts, plats, immenses, « En Castille on les appelle des Paramos » et ce mot apparaît dans les noms de plusieurs villages des environs.
« Il y a une centaine d’années que l’un des innombrables galiciens émigrants, revenant d'Australie, sema au vent quelques graines d’eucalyptus. Il faut croire que le climat de la Galice leur convint car elle se transformèrent en beaux arbres qui se multiplièrent rapidement ».
Charles Connoué, dans son livre Les églises de Saintonge, éditions Delavaux à Saintes, 1952, assure que " l’arc intérieur découpé en lobes était pour les pèlerins de Saint-Jacques signe de ralliement. En route pour Compostelle ou sur le chemin de retour, ils savaient trouver là en tout temps, vivre, gîte et soins, (page 144). On trouve ce motif en beaucoup d’églises de Saintonge sur le chemin n°4 " ».
Ce sont des affirmations que l’on retrouve systématiquement en Saintonge aujourd’hui encore.
Les pèlerins et les galiciens qui allaient en Castille se louer pour la moisson avaient coutume de lancer une pierre au pied de la croix.
« au temps de l’occupation arabe, la ville devait payer chaque année un tribut de 100 vierges pour peupler les harems musulmans. Une année, on vit un troupeau de taureaux sauvages se ruer sur les Maures, épargnant les jeunes filles et semant une telle panique que les musulmans ne réclamèrent jamais plus le honteux tribut ».
« Le Monastère de Sandoval fut fondé par le comte Ponce de Minerva qui venait d’être libéré des Maures. Parti à Saint-Jacques, il fut reconnu par sa femme qui servait à l’hôpital d’Orbigo. Elle lui lavait les pieds selon la coutume lorsqu’elle reconnut la bague qu’il portait. En reconnaissance les époux fondèrent Sandoval ».
Questions et réponses au retour.
« "Et maintenant, as-tu trouvé ce qu'était un pèlerinage ? " " Ben ... bof .... " ».
« La marche nous mène à la rencontre de quelque chose ou de quelqu'un, mais de quoi ? De qui ? ».
« Ce qui trotte dans la tête comme les jambes sur le chemin, mûrira comme les blés, à temps .... ».
« Quels souvenirs surnageront du grand naufrage de l'oubli ? ».
« Je m'y retrouve, sans pouvoir cependant résoudre l'énigme de ce pèlerinage : de quoi sont faits les liens qui unissent les sources de la foi et les chemins nouveaux à ouvrir ? ».
« Au tympan de la cathédrale, Santiago et son demi-sourire ne m'ont pas donné la solution de mes énigmes parce que cela suppose une route qui ne finit pas ».
« Alors, à quoi ont servi tous ces efforts ?
Mais à RIEN, merveilleusement à RIEN ! ».
« tout çà c'est bien loin ... on se souvient plus de rien ».
« Nos souvenirs sont brumeux, fruits de mémoires fatiguées et encombrées.
Mais aussi, nous avons du mal à distinguer le vrai de l’inventé,
à séparer le souvenir de l’imaginaire ».
Puis un souvenir concret, bien en relation avec ces deux Lettres :
de n’importe quel pèlerin de n’importe quelle époque ?
Ne serait-il pas opportun de leur consacrer une Lettre spéciale ?
Elle réunirait des témoignages des pèlerins confinés qui me les feront parvenir
pericardmeadenise@gmail.com
**
*
Vos libres contributions solidaires assurent la gratuité des envois de ces Lettres.
chèque à Fondation David Parou Saint-Jacques,
39 rue du Sergent Bobillot, 37000 TOURS
ou paiement en ligne proposé par HelloAsso