Complainte de Don Gaiferos de Mormaltán
Guillaume, un prince belliqueux et fantasque
On est au temps des princes indépendants qui n’obéissaient plus au roi de France et se querellaient entre eux pour des possessions territoriales.
Non content de batailler contre les seigneurs, Guillaume avait pris parti pour Anaclet, un opposant au pape Innocent II. Sa reddition a eu lieu en 1135, devant l’église du prieuré de Parthenay-le-vieux où saint Bernard célébrait la messe. Se retournant vers les fidèles au moment de la communion, il aperçut Guillaume qui assistait à la messe dehors, en tant qu’excommunié. Il se dirigea vers lui en lui disant solennellement :
« C’est ton Dieu qui vient à toi, tu n’auras pas le courage de le mépriser, comme tu as méprisé tes serviteurs ».
« en proie aux plus affreuses convulsions ».
Saint Bernard lui ordonne de se relever et de se soumettre. Ce qu’il fit séance tenante.
L’imposant tableau ci-contre, au musée des Beaux-Arts de Valenciennes, date du début du XVIIe siècle. Très réaliste, il fut présenté à cette époque comme un modèle de conversion.
Le pèlerinage et la mort à Compostelle
« Guillaume duc de Poitiers, se souvenant des maux qu'il avait commis jadis en Normandie, poussé par le repentir, partit en pèlerinage pour Saint-Jacques ».
Il « mourut lors d'un pèlerinage à Saint-Jacques en Espagne. Il fut dignement enseveli dans l'église du même apôtre par l'archevêque de l'endroit ».
Geoffroy de Vigeois, moine à Limoges, se réjouit explicitement de cette mort qui serait due à une intervention de saint Martial (le saint patron de Limoges).
« Ce rapt aurait été la cause de grands malheurs pour Limoges, s'il ne fut mort peu de temps après à Saint-Jacques de Galice, grâce à l'intercession de saint Martial ».
Les suites de la mort de Guillaume
Il est normal que le décès de ce grand prince, membre de la famille des ducs de Bourgogne très présents à Compostelle, soutien inconditionnel du roi Alphonse VII (comme l’a été son père), soit enterré par l’archevêque Diego Gelmirez et qu’on lui fasse l’honneur de l’enterrer dans l’église.
« ils lui annoncèrent que ce duc, parti pour un pèlerinage à Saint-Jacques, était mort en chemin ; mais qu’avant de se mettre en route, et même lorsqu’il y était et se sentant mourir, il lui avait de sa propre volonté légué sa fille, la très noble demoiselle Eléonore, non encore mariée, ainsi que tout son pays. ».
La mémoire du duc d'Aquitaine en Espagne
« Seigneur, en ton lavoir donne repos à l’âme du comte, et ici-bas, que le Seigneur protège le Poitou et Niort ».
« si la seigneurie de Gironde monte, elle montera encore davantage, pourvu qu’elle songe à confondre les païens ».
Le Livre V du Codex Calixtinus, devenu au XXe siècle le fameux Guide du pèlerin, aurait été composé à cette occasion, pour leur indiquer la route.
Est-ce par son intermédiaire que Guillaume est entré dans la légende espagnole ?
Y a-t-il même eu un lien autre que dans la tête de Manuel Murguia ?
Le seul lien, bien ténu, que l’on puisse faire entre don Gaiferos et Compostelle est dans la Chronique de Turpin où est cité Gaiferus rex Burdegalensis, Gaifier, roi de Bordeaux…
Manuel Murguia, l’auteur, a emporté dans sa tombe le secret de son inspiration. Il en reste que sa complainte est l’une des plus chantées en Galice :
Notes
3 - Londres, British Library, Grandes chroniques France, MS 16 G VI, fol. 313v° (1332-1350).
4 - BnF, Grandes Chroniques de France, ms.fr. 2606 fol.229v°, XVe siècle.
5 - BnF, Recueil de chansonniers provençaux (1250-1300) ayant appartenu à Pétrarque ms. fr. 12473, fol.102 Marcabru.