Le pèlerinage devient un jeu pour la cour
Les dernières années du règne de Louis XIV et la Régence (1715-1723) sont marquées par une réaction libertine engendrée par la trop grande austérité de la vie dévote imposée par Mme. de Maintenon. Le théâtre utilise beaucoup le personnage du « pèlerin d'amour » qui fait recette auprès de la noblesse. Et comme saint Jacques est le saint le plus souvent costumé en pèlerin, Compostelle n’est jamais bien loin.
Une pièce de théâtre à succès, Les Trois Cousines, de Dancourt, a été jouée à la Comédie française en 1700 et plusieurs fois reprise pendant le siècle. L’histoire se déroule en Ile-de-France où plusieurs jeunes couples se rendent à
« un certain pèlerinage, pèlerinage d'amour quelque part du côté de Paris. Les filles y vont pour se marier avec les garçons, les garçons pour se marier avec les filles […] Il y a tant de pèlerins, tant de pèlerines ! ».
L’héroïne, Colette, est jouée par une actrice célèbre, Mlle. Desmares, qui refuse d'abord vertueusement de partir :
« Aller en pèlerinage comme cela,
c'est se faire enlever ».
Sa cousine la persuade. L'acte se termine par un intermède musical où « les garçons et les filles du village en pèlerins et en pèlerines se disposent à faire voyage au Temple de l'amour » :
Venez dans l'Île de Cythère,
En pèlerinage avec nous ;
Jeune fille n'en revient guère,
Ou sans amant ou sans époux,
Et l'on y fait sa grande affaire
Des amusements les plus doux.
Pour s'engager dans ce voyage
Je ne veux pour tout équipage
Que mon amour et mon bourdon
Jeune et jolie jeune fille
Porte toujours de quoi payer
Ils prennent des leçons auprès des comédiens en vogue. Mlle. Desmares fit ainsi partie des « petites souris » qui entourent le futur Régent. En costume de pèlerins, ils se font ensuite représenter sur toile par les peintres en vogue.
En revenant de Compastel
Plus d'un aimable jouvencel
Rencontrant pèlerine
Et fringante et légère
A sceu par ses tendres propos
Avec lui l'engager à faire
Un pèlerinage à Paphos.
Un écho du succès de Dancourt se retrouve dans l’œuvre de l’abbé de Voisenon (1708-1765), abbé du Jard, académicien et libertin, ami de la Pompadour. Voltaire le nomme son « cher abbé Greluchon […] prêtre de Cythère […] conservateur de la gaieté française ». Il a à son actif une œuvre très légère dont il surnage quelques épaves.
Un de ses poèmes que je laisse à votre appréciation :
Le patron de toutes les filles
C'est le saint Jacques des Bourdons ;
Le patron de tous les garçons
C'est le saint Jacques des Coquilles.
Nous pouvons tous les deux
nous donner un bouquet,
Coquilles et bourdons exigent que l'on troque ;
Cet échange affermit l'amitié réciproque,
Et cela vaut mieux qu'un œillet.
« L'académicien Voisenon
A rendu son âme légère […]
Près de l'Amour il obtiendra
l'emploi de premier secrétaire,
et Vénus le pensionnerapour être l'aumônier de Cythère ».
Demain :
Le théâtre sur le chemin
Pour en savoir plus :
Liens avec le projet « Etoiles du Patrimoine Saint-Jacques »
Projet promu par les Constellations Saint-Jacques présentées sur cette pageEtoiles :
Les oeuvres d'art et les textes sur le sujet de Compostelle support de divertissement s'inscrivent dans l'histoire du pèlerinage.
Constellation :
Pourquoi pas un jour une grande exposition de ces portraits des reines, rois et nobles déguisés en pèlerins ?