Discours du voyage des Français aux Indes orientales….
« Deux jours avant ma délivrance, je fis un songe une nuit en dormant en ces îles. Je songeai que j'étais sorti de ce pays, & que j'étais en toute liberté en terre de Chrétiens, ce qui me réjouissait ; à mon réveil, je me levai & je me mis à genoux & je priai Dieu de tout mon cœur qu'il lui plût de me délivrer de cette servitude Mahométane, & de me remettre en terre de Chrétiens, où je puisse reprendre le libre exercice de ma Religion & dès lors je fis vœu de faire le voyage de S. Iacques en GaIice, pour en remercier Dieu ».
(Partie I, p. 222-223 )
« Le 20e jour de Janvier de l'année 1611 je me souvins d'un vœu que j'avais fait en ma prison de Goa, qui était, que si Dieu me faisait la grâce d'aller jamais en Espagne, je ferais le voyage de S. Jacques en Galice, ce dont je priais toujours Dieu de bon cœur étant sur mer. Il plut à la Bonté divine de nous jeter en la baie des Iles de Bayonne*, en la côte de Galice où sitôt que nous eûmes mouillé l'ancre, nous y trouvâmes nombre de navires français, qui étaient aussi à l'ancre pour y trafiquer ; aussitôt qu'ils surent notre arrivée, ils nous vinrent voir tous par admiration, & alors nous apprîmes d'eux tout ce qui se passait en France ».
« Etant descendus à terre, après nous être rafraîchis quelques jours avec ces Français, & pris congé, & remercié les Portugais de notre navire, je me résolus d'aller accomplir mon vœu, & je pris mon chemin droit à saint Jacques, qui était à dix lieues de là, & passai par la ville de Ponte Verdre (Pontevedra), qui est assez belle.
Ayant satisfait à ce qui était de ma dévotion à saint Jacques, je m'en allai à la Corogne qui est un port de mer à dix lieues de là pour tâcher d’y trouver passage pour la France, ce que, n'ayant pu rencontrer, j'eus avis qu'à un petit port environ à deux lieues de là [sans doute autour de la ria de La Corogne] il y avait une petite barque de la Rochelle, d'environ trente cinq tonneaux, chargée d'oranges, & toute prête à partir. Je m'y acheminai aussitôt, & priai le maitre de me donner passage, ce qu'il fit volontiers, & ayant su toutes mes aventures, il fut bien aise de cette rencontre, & ne voulut rien prendre de moi pour mon passage ».
Nous ne demeurâmes que trente-six heures à passer de là à la Rochelle, où grâce à Dieu nous arrivâmes heureusement le cinquième jour de Février : & alors louant Dieu de tout mon cœur, je me tins assuré de pouvoir voir encore une fois la terre de France, que j'avais tant désirée.
(Partie II p. 217 )
« Ayant demeuré quelques jours-là, je pris congé de lui, & pris le chemin de mon pays natal, qui est la ville de Laval en Bretagne, ou j'arrivai le 16 de Février 1611 »