Prince et reine interdits de pèlerinages, étape n°26


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 12 Avril 2020 modifié le 12 Avril 2020
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Aurait-on imaginé, même avant la Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, l'archevêque de Paris interdisant au Président de la République de prendre le bâton de pèlerin et de partir à Compostelle ?



L'exemple d'Hildebert de Lavardin

Hildebert de Lavardin, une lettre dans un ms XVIe siècle

En 1123 l’évêque du Mans, Hildebert de Lavardin, écrivait au comte d’Angers pour le dissuader de partir à Compostelle :

« Vous voulez, dites-vous, entreprendre un voyage en l’honneur du bienheureux saint Jacques. Je ne nie pas que ce ne soit un bon dessein, mais quiconque est chargé du gouvernement est astreint à l’obéissance et, s’il n’est appelé à des choses plus importantes, il manque s’il l’abandonne. Vous êtes sur le point de commettre une faute inexcusable si vous sacrifiez les choses nécessaires à celles qui ne le sont pas, l’administration au repos, le devoir à ce qui n’est pas dû ».

Il est très ferme et s’appuie sur les préceptes de l’Eglise pour rappeler que le pèlerinage n’est pas un devoir. Puis il rappelle qu’il se met en péril en passant par l’Aquitaine avec laquelle il est en conflit. « Vous êtes aveugle si vous ne voyez pas les dangers du voyage ». Son raisonnement est sans appel :

« Vous me direz peut-être, “ j’ai fait un vœu, et je me sens coupable si j’y manque ”. Mais considérez que c’est vous qui vous êtes engagé à ce vœu, et que c’est Dieu qui vous a imposé une charge. Si vous vous êtes engagé au voyage, Dieu vous a astreint à l’obéissance. Le pèlerinage vous rappellera la mémoire des saints mais l’obéissance vous fera partager leurs vertus ».

Il termine en lui rappelant la liste de ses devoirs et conclut :

« Restez chez vous, ne désirez pas voir les lieux des saints mais assistez les pauvres en vous efforçant de les protéger, en n’étant pas préoccupé par le souvenir d’un tombeau, mais occupé de la mémoire des vertus qu’il rappelle »


Une position largement partagée

La portée de ce texte dépasse le simple cadre compostellan, en ces époques riches en Croisades et en déplacements lointains. Formulées d’une manière différente, les critiques d’Hildebert de Lavardin rejoignent celles de Guibert de Nogent qui, au même moment, conteste l’utilité des reliques et donc des pèlerinages. Ces lettres ont été très lues, saint Bernard en a fait l’éloge et Pierre de Blois à la fin du XIIe siècle témoigne qu’on les lui a fait apprendre par cœur dans sa jeunesse.

Un siècle plus tard, l’évêque de Paris réprimande de même la reine Blanche de Castille qui rêvait de retrouver sa terre natale. Il l’invite à aller prier dans le sanctuaire Saint-Jacques le plus proche, sur la montagne Sainte-Geneviève.


« Majesté, vous avez déjà dépensé inutilement beaucoup d'argent pour montrer votre magnificence sur votre sol natal, et cet argent aurait pu être beaucoup mieux dépensé ».


« Vous avez raison, dit-elle, mais que dois-je faire maintenant ? Je suivrai votre décision et je m'engage à renoncer à mon vœu et à répondre de mon nouvel engagement devant le Juge Suprême ».
 
« Voici, dit-il, des Frères Prêcheurs qui sont appelés Frères de saint Jacques. Ils sont liés par une dette de 1500 livres. Recevez l'escarcelle et le bourdon et allez à Saint-Jacques, c'est-à-dire dans leur demeure, et acquittez leur dette. Quant à moi, je promets de témoigner pour vous au jour du Jugement ».
 
Et la reine suivit sagement le conseil du saint homme en se rendant en pèlerinage au couvent Saint-Jacques.

 

Ce sermon fait partie de recueils d’exemples destinés à aider les prêtres à intéresser les fidèles.