Priez pour nous à Compostelle, étape 77


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 18 Septembre 2020 modifié le 24 Février 2021
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En 1978, René de La Coste, récemment élu président de la Société, signa la préface de " Priez pour nous à Compostelle ", oeuvre de deux journalistes ayant marché de Vézelay à Compostelle en 1977. Ce livre connut un grand succès grâce à la notoriété de ses auteurs. Ils exercèrent une influence majeure en faisant connaître le pèlerinage au grand public à qui ils racontèrent la vie des pèlerins, telle que leur expérience et les connaissances acquises auprès de la Société leur permettaient de l'imaginer.



PÈLERINER dé-CONFINÉS   Etape n°77
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Par milliers, par millions ...

« Les excellentes pages qui s'ouvrent ici se fondent sur la recherche,
sans encourir le risque de la pesanteur.
A ce livre d'être le bourdon des jacquaires d'aujourd'hui »


Cette dernière phrase de la préface de René de La Coste explique le succès de ce livre.  Il est certes " fondé sur la recherche ". Mais les auteurs en prennent à leur aise avec la rigueur scientifique. Ils expliquent comment ils en ont exploité  les résultats :

" ... nous avons zigzagué sans trop de scrupule à travers huit siècle d'histoire ... documents,  travaux, recherches et communications ...  pour la plupart, nous y avons eu accès par l'intermédiaire de la Société des Amis de Saint Jacques qui a établi la bibliographie ... "


Le sous-titre du livre, lui, dit pourquoi cette recherche a évité le risque de la pesanteur. Leur expérience pèlerine, résumée par un carnet de route, présenté en 40 pages sur 300, a servi de base pour enjoliver les quelques récits de pèlerins connus à cette époque et raconter, avec leur talent journalistique, la vie des millions de pèlerins auxquels croyait la Société :

" Nous avons découvert  avec stupéfaction que, entre le Xe et le XVIIIe siècle, ... parmi les millions de pèlerins de Saint-Jacques, une quinzaine avait laissé des récits dont cinq rédigés ou traduits en français... et nous n'avons pu prendre connaissance que de deux grâce à l'extrême obligeance de Melle Jeanne Vielliard et M. René de La Coste-Messelière ".


Leur style alerte et le savant mélange entre leur vécu, des citations de récits historiques et les fruits de leur imagination ont puissamment contribué à mettre en route des pèlerins. J'ai moi-même succombé au charme de ce livre en 1981.


Un livre fondé sur la recherche inachevée de la Société à la fin des années 1970.

Cette préface fut pour René de La Coste comme un piège. Alors qu'une de ses recommandations favorites était d' " associer l'effort du pèlerin à la connaissance savante ", il avoue avoir mêlé ses souvenirs  à ceux des auteurs, abandonnant le rôle " savant ".

" A la place d'un pèlerinage dans les arcanes de l'érudition [qui aurait pu être attendu du président de la Société], souvenirs et réflexions, peut-être trop personnels et anecdotiques, sont venus se joindre à ceux des auteurs ".

Son enthousiasme devant la façon dont Barret et Gurgand racontaient l'histoire illustre ce que j'ai écrit dans la Lettre précédente. Sa formation et son tempérament le faisaient naviguer entre rigueur et phantasme.

Il a donc laissé ces auteurs parler de millions de pèlerins, image propre à faire rêver. Il en avait, lui-même, hérité des savants du XIXe siècle. Jeanne Vielliard qui, pourtant, n'avait trouvé que 115 sauf-conduits délivrés par l'Aragon en 43 ans a fait de même.

Il n'est pas étonnant que ce dénombrement apparaisse encore parfois de nos jours. Qui peut parier qu'il ne ressortira pas en 2021 ?

D'où viennent et où vont les millions de pèlerins ?

Cette préface illustre mon portrait final de la Lettre 76 d'un René de La Coste " tiraillé entre le rêve de ses prédécesseurs et sa formation professionnelle ". Ce rêve était si profondément ancré dans les esprits d'une équipe fermée sur elle-même  et soumise à la vision espagnole de Compostelle, qu'il ne pouvait s'en extraire sans aide extérieure.

Il est mort trop tôt pour que je puisse partager avec lui ce qu'il pressentait et que mes maîtres à l'université m'ont permis de montrer. Tous les pèlerins de saint Jacques n'allaient pas à Compostelle. Quelques années plus tard, le travail collectif de la Fondation a révélé l'origine des millions de pèlerins dans la comparaison de Compostelle avec la Jérusalem céleste et des millions de pèlerins avec les élus innombrables appelés à franchir ses portes.