Pléthore de reliques de saint Jacques à Toulouse, étape n° 21


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 7 Avril 2020 modifié le 7 Avril 2020
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A Toulouse au Moyen Age, la concurrence est rude autour du corps de saint Jacques et il est difficile de savoir qui détient quoi, de Saint-Sernin, de la cathédrale ou de Compostelle.



Charlemagne, le père commun

La châsse du corps de saint Jacques à Saint-Sernin
Un fait est indiscutable, Saint-Sernin et la cathédrale tiennent leurs reliques de Charlemagne. Le roi Louis XI lui-même rappelle en 1463 que Saint-Sernin a été fondée par Charlemagne pour y déposer les corps des apôtres.

Quant à la cathédrale, elle affirme en 1490 que l’église Saint-Jacques qui la jouxte a été fondée par Charlemagne pour y déposer « un chef de saint Jacques ».
Elle s’appuie sur « texte ancien » qui explique que cette tête y a été placée sous un pilier et que :

« Sur ce pilier saint Charles le Grand fit peindre à la plus haute pierre qui est de marbre la tête monsieur saint Jacques et dessus fit peindre une coquille avec une mâchoire de chaque côté de la coquille ».

Une relique qui sert de première pierre !


Qui possède quoi ? Des témoignages pour Toulouse

Saint-Sernin affirme posséder « le corps de saint Jacques et sa tête [et] le corps de saint Jacques le Mineur, excepté sa tête qui est en Galice ».
Ce que confirment des pèlerins qui, en 1325 reviennent
« de Compostelle où est le chef du glorieux apôtre mgr. saint Jacques ».
Jean de Tournai arrivé à Compostelle en 1489 se souvient qu’il a vu à Toulouse « le corps des deux saints Jacques » et conclut
« pour moi le corps est à Toulouse et le chef est à Saint-Jacques ».
En 1494, Jérôme Münzer prend parti pour Toulouse :
« ceux de Compostelle disant avoir saint Jacques chez eux ne se basent que sur la crédulité pour affirmer cela. Les Toulousains ont l’Histoire pour eux, qui témoigne de ce que Charlemagne, après avoir vaincu l’Espagne, en emporta saint Jacques et de nombreuses autres reliques qu’il distribua dans toute la Gaule ».
Pas étonnant : à Compostelle personne n’est admis au tombeau et c’est le reliquaire commandé par Béranger de Landore qui est, seul, montré aux pèlerins. Jean de Tournai admire ce « fort noble et dévot joyau à regarder… ».
La tête du Majeur est aussi revendiquée par la cathédrale, sur la foi d’un chevalier allemand qui, au XIVe siècle témoignait que
« beaucoup et plusieurs gens allant à Saint-Jacques en Galice sont dans l’erreur quant ils disent ‘ici est la tête de monsieur saint Jacques le Majeur’ car certainement elle est ici ».

Toulouse et Compostelle

Statue de saint Jacques à la porte Miègeville de Saint-Sernin.
 
La richesse du patrimoine Saint-Jacques de Toulouse en fit un concurrent de Compostelle mais elle n'empêcha pas les Toulousains d'aller à Compostelle. 
En 1490,  à leur retour, pour devenir membres de la confrérie ils viennent rendre grâce à la relique de leur église Saint-Jacques :

 
« lendemain de la fête saint Jacques tous les confrères que sont allés à Saint-Jacques de Compostelle viennent avec tambours et trompettes et font célébrer une messe à l'honneur de monsieur saint Jacques ».
Au milieu du XVIe siècle, Compostelle manifeste sa contrariété. Toulouse chercherait à concurrencer la cathédrale galicienne. Un dominicain s’en fait l’écho :
« Que dirai-je de ce que le chef de l’apôtre Jacques, selon les Gaulois vantards, apporté de Galice par Charlemagne, soit montré à Toulouse, et que le vœu de faire pèlerinage à Compostelle ne soit accompli que s’il est terminé à Toulouse ? Nous n’ignorons pas que la nation gauloise est experte en semblables vertueux mensonges ».
Et il a raison ! En 1775, un pèlerin toulousain ne peut entrer dans sa confrérie Saint-Jacques sans montrer « la compostelle et le certificat du gardien des saintes reliques à Saint-Sernin qui prouve qu’il les a visitées ».

Le buste reliquaire de saint Jacques à Toulouse
S’il ne reste rien des reliques de la cathédrale, Saint-Sernin conserve le corps de saint Jacques le Majeur, dans la crypte et, dans le déambulatoire, son « chef », dans un reliquaire refait au XIXe siècle sur le modèle de l’ancien.