Etape n°87
Nous n'irons plus à Compostelle
Des coquilles à nos bâtons
A saints nouveaux nouveaux autels ...
en « pèlerinage de la paix à Oradour »
Nous n'irons plus à Compostelle
Des coquilles à nos bâtons
A saints nouveaux nouveaux autels
Et comme nos chansons nouvelles
Les enseignes que nous portons
Que nos caravanes s'avancent
Vers ces lieux marqués par le sang
Une plaie au coeur de la France
Y rappelle à l'indifférence
Le massacre des Innocents
Vous qui survivez à vos fils
En vain vous priez jour et nuit
Que le châtiment s'accomplisse
Et la terre en vain crie justice
Le ciel lui refuse la pluie
O mamans restées sans amour
Sur les tombes de vos héros
La même lumière du jour
Baigne les ruines d'Oradour
Et les yeux vivants des bourreaux
Aux berceaux d'Oradour demain
Pour qu'on ne revoie plus la guerre
Semer la mort comme naguère
Dans le monde entier se liguèrent
Près d'un milliard de coeurs humains
Que la paix ouvre enfin ses vannes
Et le peuple dicte ses lois
Nous les faiseurs de caravanes
T'apportons Oradour-sur-Glane
La colombe en guise de croix.
Comment Aragon a-t-il pu proclamer ce poème sans ponctuation, en faisant passer sur la foule le souffle des grands orateurs ?
Avec lui, nous voilà tous pèlerins, avec les mots des orateurs chrétiens, toujours les mêmes quand on est dans la douleur la plus extrême. Il parle aux mères du « massacre des Innocents », et elles l’entendent. La douleur de la Vierge n’est pas loin. S’il ne nomme pas ce nouveau « sanctuaire », il évoque un nouvel « autel ». Il y aura une nouvelle église.
Les pèlerins viennent prier là pour que la paix si récente ne sombre pas dans la « Guerre froide ». Aragon fait allusion au grand Congrès Mondial des Partisans de la Paix qui s’était tenu en avril de cette année 1949 :
« Dans le monde entier se liguèrent
Près d'un milliard de coeurs humains ».
Mais pourquoi « plus à Compostelle » ?
J’ai appris ces jours derniers que, pour cette raison, l’évêque du Puy, diocèse qui avait compté beaucoup de Résistants, n’avait pas participé aux manifestations du millénaire du pèlerinage de Godescalc en 1951 (Lettre 85)