Un monument funéraire hors du commun.
Une épitaphe très descriptive
Cy devant, dessous une petite lame gist le corps de vénérable personne mgr. maistre Guillaume Aux Cousteaux, luy vivant bachelier en théologie, chanoine de cette eglise, large et magnifique bienfacteur de la fabrique d'icelle, et aussi des povres, lequel en sa vie a fait enchâsser le menton Mons. saint Jacques le Majeur, fondé procession solemnelle le jour de la feste dud. saint, distribution aux chanoines, chappelains et vicaires d'icelle église, par son testament a ordonné faire ceste presente hystoire de St Jacques. Trépassa l'an de grâce mil cincq cens et unze, le second jour de décembre. Priez Dieu pour luy, ses parens, amis et bienfacteurs.
Les scènes de la légende d’Hermogène
Scène I. La prédication de saint Jacques
En haut à gauche, monté sur une estrade, saint Jacques coiffé de son chapeau de pèlerin, prêche devant une foule attentive. Des curieux sont aux fenêtres. A droite, au premier plan, un personnage coiffé d’un chapeau pointu semble l’écouter tout particulièrement. Il s’appelle Philétus et il est le disciple du personnage coiffé d’un turban qui se tient derrière lui, à moitié caché, le mage Hermogène (sa présence est un ajout du sculpteur). Dans les textes, ce dernier a demandé seulement à Philétus de s’informer. Furieux, il se rend compte que Philétus est séduit par saint Jacques
Scène II. La conversion de Philétus
Scène III. La colère d’Hermogène
A gauche, Hermogène vient d’invoquer les démons (très mutilés par la suite, pour inconvenance) qui surgissent devant lui. Deux autres diables voltigent au-dessus des remparts de la ville. Il ordonne à Philétus de lui amener saint Jacques ligoté. Or, à droite, saint Jacques arrive, libre et soutenant Philétus terrorisé.
Scène IV, en 3 tableaux. La conversion d’Hermogène
A gauche, c’est saint Jacques qui a ligoté Hermogène.
A droite, Hermogène, vaincu, s’agenouille aux pieds de saint Jacques
Au-dessus, saint Jacques et Hermogène, côte à côte, remercient Jésus qui apparaît dans les nuées.
Et toujours, la foule attentive, en arrière-plan
La transcription de Georges Durand, en 1903.
Dont . . . . . . . seul vint trouver Saint Jacques pour le merchier
Lors Hermogene ordonna …. Dyables pour prendre Philetus
Ausquels saint Jacques commanda De prendre Hermogenes sans plus
Hermogenes lye s’en fut Vers l’apostle se humi. . . . .
Qui craindroit les dyables charnus Puis ph. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Une très ancienne dévotion familiale
Le patronyme Aux Couteaux indique une profession antérieure de couteliers, très liée à l’industrie textile qui caractérise Amiens au Moyen Age. Groupés en « métiers » dotés de statuts au début du XIVe siècle, ils fabriquaient et entretenaient les outils nécessaires à cette industrie. Etaient-ils artisans ou commerçants ? On ne sait. Mais il semble qu’ils aient glissé vers le commerce puisqu’on les voit impliqués dans le métier de « merciers », autrement dit de négociants en gros (du mot latin merx qui signifie tout ce qui se vend). Cette hypothèse peut se trouver renforcée par le fait que saint Jacques passe parfois pour le successeur de Mercure, dieu du commerce. Ne serait-ce pas ce qui a déterminé le choix du saint patron de cette confrérie ?
L’autel et la relique du « Menton de saint Jacques »
« Une ymage de sainct Jacques le Majeur d'argent, assis en une chaire épiscopale, reposant sur une térache à pied à six carrés, garni de six petits pilliers, dans laquelle térache sont deux angles portant les armoiries de feu Mgr Guillaume Aux Cousteaulx, qui a donné ledit ymage sainct Jacques le Majeur, encassé en cristal garny d'argent, et poise le tout, y comprins garnitures de dedens le pied et soubz ladit terrache, qui est de léton, LV marcz d'argent ».
Le devenir de la confrérie Saint-Jacques des merciers
Bibliographie
- Desportes, Pierre, « Le mouvement Confraternel à Amiens et en Picardie aux derniers siècles du Moyen Âge », Actes du colloque de Lausanne, Le mouvement confraternel au Moyen Age, 9-11 mai 1985, École française de Rome, Paris, 1987, page. 162-184, éd. 1995.
- Baron, Françoise, « Mort et résurrection du jubé de la cathédrale d'Amiens », Revue de l’Art, 1990, p. 29-
- Millet, Hélène, «‘Fasti Ecclesiae Gallicanae’ : des clés pour l'histoire des élites urbaines », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 1996, pp. 319-333