Le voyage à Compostelle, 25 août 1943, étape n° 67


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 30 Juin 2020 modifié le 28 Octobre 2020
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Dernière étape à Compostelle pour l'ambassadeur François Piétri et 67e étape du pèlerinage confiné.
Seule étape dont les pèlerins contemporains peuvent voir le souvenir au musée de la cathédrale :
le ciboire offert par le Maréchal Pétain.
Beaucoup s'interrogent sans doute sur la présence de cet objet. Pour ceux qui connaissent notre histoire, ce nom rappelle des souvenirs glorieux ou désastreux.
Certains peut-être portent un jugement, probablement trop hâtif et sans nuances, quel qu'il soit.



PÈLERINER dé-CONFINÉS
Avec Denise Péricard-Méa et les Constellations Saint-Jacques
Etape n°67

Le récit de l'ambassadeur

24 août 1943
« Nous sommes arrivés à Saint-Jacques le 24 août en deux groupes, l’un parti de Saint-Sébastien et qui comprenait, avec moi-même, M. Parages, commerçant, député de l’église Saint-Louis des Français à Madrid et M. Moulard, représentant la Légion des combattants ; l’autre, parti de Madrid et composé du RP Azémar recteur de Saint-Louis des Français, du commandant Corre, attaché naval, de M Verdier, directeur de l’Institut et de M. Pennaporte mon secrétaire particulier. Nous avons été reçus, à notre arrivée, par l’Alcade de Saint-Jacques de Compostelle, le président de l’archiconfrérie, le gouverneur militaire, le vicaire général de l’archevêché, le vice-recteur (en l’absence du recteur), deux chanoines du chapitre et enfin un délégué du gouverneur civil de La Corogne, celui-ci étant retenu auprès du Caudillo. M. Fourgeot, consul de France à La Corogne et le Dr. Villar Iglesias, notre agent consulaire à Saint-Jacques, se trouvaient à leurs côtés. L’Alcade nous a offert un dîner de vingt-quatre couverts à l’issue duquel il a porté la santé du Maréchal et prononcé quelques mots en l’honneur de la France, à quoi j’ai répondu ».
 
Lors de ce dîner, Piétri a offert à l’alcalde 1000 pesetas pour les pauvres.

Le botafumeiro
Le jour de la Saint-Louis
« Le 25 août, le programme comportait d’abord une messe, dite par le RP Azémar à la chapelle dite du roi de France. En même temps que les personnalités que j’ai énumérées plus haut et les quelques Français de l’endroit, un nombreux public d’habitants de Saint-Jacques et de pèlerins y assistaient. Après la messe nous nous sommes rendus processionnellement au maître-autel de la cathédrale, où a eu lieu l’offrande que j’ai faite, suivant le rite, à genoux, au nom du Maréchal, en présence du doyen du chapitre, qualifié pour la recevoir. L’archevêque de Saint-Jacques, alité, s’était fait excuser et remplacer par son vicaire général. En réponse à mon invocation, le doyen a fait un bref discours où il parla de la France en termes émouvants. La cérémonie s’est terminée, devant une très nombreuse affluence, par le baiser au buste de l’apôtre et par la curieuse et traditionnelle manœuvre du botafumeiro, immense encensoir d’argent massif que des clercs spécialisés balancent, au moyen d’un système de poulies et auquel ils font décrire, à travers l’église, un demi-cercle total de 35 m. de rayon. Il n’est procédé à cette impressionnante solennité qu’en présence de grands visiteurs ou pour les pèlerinages importants. Je passe brièvement sur le restant du programme de l’après-midi : visite à l’archevêque malade, lequel m’a prié de le rappeler au souvenir du Maréchal qu’il a reçu à Saint-Jacques en 1939 ; grand déjeuner offert par moi aux autorités civiles, militaires et ecclésiastiques ; réception solennelle au siège de l’archiconfrérie où j’ai signé un Livre d’or et où j’ai été confirmé comme « frère majeur » de cette communauté ».
« J’ajoute que le présent du Maréchal, un ciboire d’argent et ivoire de style moderne, œuvre de l’orfèvre Puiforcat, exposé à proximité de l’autel, a été fort admiré par la foule des pèlerins et des fidèles qui ont défilé devant lui au cours de l’après-midi ».
  Après la fête Le 31 août, Pietri déçu du manque d’échos dans la presse française, insiste auprès de Laval pour que :
« le Secrétariat de l’information veuille bien faire paraître quelque chose dans la presse française au sujet de l’offrande que j’ai faite à Saint-Jacques-de-Compostelle au nom du maréchal… Il semble que la presse française n’en ait même pas parlé… Havas OFI a pourtant expédié à Vichy les 24, 25 et 26 août des informations étendues sur ma visite… Une pareille abstention est fâcheuse et n’est pas de nature à encourager certains efforts ».

La Croix du 25 septembre obtempère et ajoute un second compte-rendu plus fourni que celui qu’elle avait publié le 30 août :
« Au nom du maréchal Pétain, chef de l’Etat, et après avoir prononcé l’offrande traditionnelle, M. Piétri a remis à la cathédrale un ciboire en vermeil et ivoire, chef-d’œuvre de l’art français, réalisé par l’orfèvre parisien Jean Puiforcat ».

Pourquoi le choix de Puiforcat ?

Le ciboire offert par le Maréchal Pétain à la cathédrale de Compostelle
Jean-Élisée Puiforcat, engagé à 17 ans en 1914, est entré en 1920 dans l’orfèvrerie familiale fondée à Paris. Il révèle un  grand talent de créateur d’avant-garde et fait ainsi la renommée de la maison. En 1925, il se fait également remarquer par ses œuvres religieuses. En mars 1940, il arrive à Madrid et demande à devenir membre libre de la Casa Velasquez. En même temps, il était en mission d'observation pour le compte des services de renseignement français !
En 1943 il n’est plus en Espagne mais ses œuvres sont très appréciées par le gouvernement de Vichy qui lui commande parfois des coupes pour des épreuves sportives. C’est tout naturellement vers lui que s’est tourné le maréchal Pétain pour la commande de ce « bel objet religieux » que l'ambassadeur souhaitait offrir.
Le   maréchal demanda que texte suivant soit gravé sur l’écrin : " offert par le maréchal Pétain à la confrérie de Saint-Jacques de Compostelle le 25 août 1943, fête de Saint-Louis des Français ".
Le 11 février 1944 il fait envoyer une nouvelle plaque destinée à être fixée au ciboire mais on n’en connaît pas le texte.  Ce ciboire est aujourd’hui dans le Trésor de la cathédrale, près de la chapelle des reliques. Sa sobriété moderne contraste singulièrement avec les autres pièces anciennes qu’il côtoie.
Aucune gravure n’est visible sur les photos.