Bourdons, besaces et coquilles sur la voûte d’une chapelle du XVe siècle
La voûte de la deuxième chapelle en entrant, à droite, est décorée de symboles pèlerins qui semblent signer une chapelle Saint-Jacques. L’ensemble, presque invisible pour le visiteur non prévenu, ne devient lisible que grâce aux grossissements de très bonnes photos.
Les photos de cet article sont dues à Guy Lalande qui les a prises spécialement pour son ’illustration.
La disposition des symboles est particulièrement intrigante : sur chacun des quatre caissons de la voûte est sculpté un bourdon portant une besace, les rabats des besaces sont tournés alternativement vers le haut ou le bas du bourdon. Les bourdons semblent disposés sur les diagonales d’un carré dont les quatre sommets sont marqués d’une coquille.
Il est en fait couché sur la droite, difficilement déchiffrable à l’œil nu ce qui rend sa lecture impossible depuis le sol.
Sur cette image, le blason a été redressé afin d’être lisible,
Entre les bourdons des lettres, en haut DAR, en bas RAS, à gauche l’initiale I., à droite D. (peut-être un Jacques Darras*, dont la famille habitait la paroisse ?)
* Darras ou Darraz
Cette disposition bizarre pose de nombreuses questions.
Pourquoi le blason n’orne-t-il pas la clef de voûte comme il est souvent d’usage ?
Pourquoi ces coquilles éparpillées sur la voûte ?
Pourquoi les rabats des quatre besaces ne sont-ils pas tournés tous de la même manière vers le bas du bourdon ?
Quelle est la relation entre le blason et ces coquilles et bourdons ?
Quel sens donner à cette disposition ?
La « triple enceinte », représentation de la Jérusalem Céleste ou du monde ?
« Ce graffito fut découvert derrière la pierre du banc du corps de garde de Lavardin, en position verticale (cette position interdisant d’en faire un ‘jeu de marelle’). S'agit-il de la représentation de l'une de ces mystérieuses ‘triple enceinte’ que l'on retrouve gravée plus ou moins soigneusement sur nombre d'églises et châteaux du Moyen Âge ? »
« Et l’ange me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d'auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu […] Elle avait une grande et haute muraille […] La ville avait la forme d'un carré, et sa longueur était égale à sa largeur ».
« Ces pratiques pourraient exprimer un espoir, celui de la Résurrection et de la Vie éternelle souhaitée au défunt par ses proches. On a retrouvé ce symbole sur l'une des pierres entourant le squelette d'un moine placé sous le seuil du réfectoire du Prieuré Saint-Côme à Tours. Et cette découverte n'est pas isolée… »
On ne peut guère penser à autre chose que l'expression d'une espérance la plus importante pour un chrétien, celle liée à la nouvelle venue de la nouvelle Jérusalem censée accueillir les justes à la fin des temps ».
« Ces pratiques pourraient exprimer un espoir, celui de la Résurrection et de la Vie éternelle souhaitée au défunt par ses proches. On a retrouvé ce symbole sur l'une des pierres entourant le squelette d'un moine placé sous le seuil du réfectoire du Prieuré Saint-Côme à Tours. Et cette découverte n'est pas isolée… »
« Un enfeu et sa sépulture. On ne peut guère penser à autre chose que l'expression d'une espérance la plus importante pour un chrétien, celle liée à la nouvelle venue de la nouvelle Jérusalem censée accueillir les justes à la fin des temps ».
Compostelle nouvelle Jérusalem ?
Le musée de la cathédrale de Compostelle conserve des éléments du fameux chœur de Maître Mateo démoli au XVIIe siècle. Ils ont permis de reconstituer la face intérieure de ce chœur. Entouré d’un déambulatoire, sa face extérieure comportait une représentation parfaite de la Jérusalem Céleste proposée à la vue des fidèles.
Ci-contre photographie d’une des tours conservée au musée.
La chapelle Saint-Jacques serait-elle une chapelle funéraire ?
Cette question posée d’une chapelle funéraire s’impose car saint Jacques passe souvent pour être l’un des passeurs pour le Paradis. Pour les fidèles du Moyen Age et aussi pour certains théologiens, il est l’auteur de l’Epître, laquelle fut souvent considérée comme la source du sacrement de l’Extrême-Onction ; le texte dit :
« L'un de vous est-il malade ? Qu'il fasse appeler les anciens de l'église et qu'ils prient après avoir fait sur lui une onction d'huile au nom du seigneur. La prière de la Foi sauvera le patient : le Seigneur le relèvera et, s'il a des péchés à son actif, il sera pardonné »2
En 813, le canon 51 du concile impérial de Chalon fut abondamment transcrit dans des manuscrits canoniques et liturgiques. La réforme grégorienne se l’appropria et il fut encore repris dans le Pontifical Romain de 1596 :
« …Visitez les malades et donnez-leur l’absolution, imposez-leur le saint chrême comme l’a prescrit l’apôtre et faites-les communier de votre main… »3
Au XIIe siècle, personne n’est surpris de voir, dans le Pseudo-Turpin, saint Jacques sauver l’âme de Charlemagne lors du Jugement dernier.
En 1396, l’article CVI des statuts synodaux du diocèse de Tours dit encore la même chose :
« De dernière onction est à dire, si ‘comme saint Jacques dit’, que par elle sont allégés et pardonnés les péchés véniels, et quelques fois [le malade] est incité à vraie contrition et sentiment de perdurable joie »4
Et en 1422, le sacrement de l’Extrême Onction est devenu, dans le langage courant, le « sacrement de Monsieur saint Jacques » demandé en ces termes par le seigneur Guy de Chauvigny, très malade depuis quinze jours, au moment de mourir,
« à la parfin, quand il vist qu’il fust temps, il demanda le sacrement de Monsieur saint Jacques […] puis il rendist son esprit à Dieu […] »4
Jacques Darras est-il au Paradis ?
Notes
1 - Schweitz, Daniel, « La triple enceinte en Loir-et-Cher : son historiographie, du pétroglyphe druidique au symbole chrétien », Mémoires de la Société des sciences et lettres de Loir-et-cher, 1e partie, 69, 2014, p. 19-32 ; idem, 2e partie, 70, 2015, p. 145-157. ; et Schweitz, Daniel, « Des tables de jeu au symbole chrétien : marelles et « triple enceinte » du XVe siècle au château de Lavardin », Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, 2014, p. 87-111.
2 - Jc. V. 14.
3 - Amiet, R., « Une admonitio synodalis de l’époque carolingienne : étude critique et édition », Mediaeval Studies, t. 26, 1964, p. 12-82.
4 - (Statuts synodaux du diocèse de Tours (1396), J. Fougeron éd., Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t.XXIII, Tours, 1873, p.113)
5 - Jehan de La Gougue, « Histoire des princes de Déols et seigneurs de Chasteauroux », Grillon des Chapelles éd., Esquisses biographiques du département de l’Indre, t.III, p.269-383, p. 382.