Et c’est ce Mal qui crache des horreurs par la bouche du malade. D’où l’idée de le faire taire en serrant le cou du malade, avec un linge.
La légende de saint Jacques, reprise par la Légende dorée montre qu’il a été capable de vaincre les démons envoyés par ces puissances du mal.
Un texte remarquable, daté de la fin du XIIe siècle, met en scène le Diable en tant que personne physique et les luttes acharnées que l’Eglise mena pour délivrer une jeune fille de Toulouse souffrant de possession. Il montre comment saint Jacques a « man-œuvré » pour obtenir le succès.
Née de relations illégitimes, elle fut maudite par sa mère avant sa naissance (« maudite », du latin maledicere = male+dicere, mauvais+dire = tenir des propos mauvais), puis donnée au Diable à l’âge de sept mois.
Le résumé de la dramaturgie qui se déroule sous nos yeux est un condensé de scènes classiques d’exorcisme
Le Diable élève l’enfant, pendant 16 ans. Il lui fait mener une vie digne d’une reine. Alors qu’il arrive avec sa protégée dans une abbaye près de Jaca (San Juan de la Peña ?), il la laisse seule un moment pendant qu’il entre pour tourmenter les moines.
Profitant de cette absence, saint Jacques surgit, prend la main gauche de la jeune fille et avec l’ongle imprime sur son majeur le signe de la croix.
A son retour, le Diable voit ce signe et s’exclame :
« Saint Jacques est passé par là » !
Il pénètre dans le corps de la jeune fille qui se met à hurler. Aux moines accourus, le Diable hurle par la bouche de la jeune fille :
« Elle est mienne, je l’ai nourrie et soutenue. Pourquoi devrais-je la perdre ? Je ne la laisserai jamais ».
Les moines la prennent cependant mais le Diable revient et le dialogue reprend :
« En aucune manière je ne l’abandonnerai à moins que le Sauveur ou saint Jacques, qui me l’a prise, ne me l’aient ordonné ».
Incapables de délivrer la jeune fille, les moines la gardent, espérant que le Diable se lassera de lui-même. Double signe de possession, la possédée continuait à se nourrir d’herbes crues et ne mangeait que très peu ou pas du tout de pain.
Au bout d’une année, les moines l’envoient demander sa guérison au saint Sauveur ou à saint Jacques. Elle prit sa besace et son bourdon et se mit en route pour Oviedo qui possédait des reliques de la Croix et de saint Jacques.
A Santayana (Saint Jagon), elle rencontra cinq chevaliers qui lui donnèrent chacun un pain qu’elle donna en aumône en mémoire des cinq plaies du Christ. En chemin, elle passa cinq ponts et sur chacun elle fut tentée par le Diable de se jeter à l’eau. Mais les cinq aumônes la protégèrent de cette tentation.
« J’étouffe, j’étouffe ! »
L’archidiacre ordonna que l’on apporte la Croix des Anges. D’habitude, le Malin fuit devant la Croix. Mais ce jour-là il refusa et la malheureuse recommença à étouffer. Sa bouche se remplit de fiel, elle ne pouvait plus parler. On éloigna la relique pendant que le diable criait, sans oser nommer la Croix :
Sors-moi çà de là, sors-moi çà de là !
Devant cette obstination, l’archidiacre ordonna alors une lecture de l’Evangile, lecture insupportable au Diable qui, toujours par la bouche de la jeune fille se mit à parler très vite, de façon incompréhensible. Une multitude d’enfants attirés par le spectacle crièrent alors sur le conseil de l’archidiacre qu’il devait quitter la possédée.
Terrorisé, le démon gémit :
« Ces voix me torturent ! ».
L’archidiacre intime :
« Donne-là à saint Jacques ».
Et là, devant les reliques de saint Jacques le Diable commence à céder. Une première fois, il part en proférant des menaces et en aboyant à la mort. La possédée reste comme morte. On la ranime et la ramène devant l’autel du Saint Sauveur. Saisie de nouveau par le démon, elle s’échappe par les airs et retombe sur le pavé, battue par le Malin qui criait et répétait qu’elle était à lui.
Après des aller-retours de l’autel du Saint-Sauveur à celui de saint Jacques, après plusieurs étouffements, après avoir mordu l’archidiacre, le Diable finit par sortir définitivement en lançant un terrible aboiement.
La jeune fille cessa de manger des herbes crues et mangea du pain et des aliments dont se nourrit la nature humaine.
« Elle partit alors pour Saint-Jacques, Sainte-Marie de Rocamadour et Saint-Thomas de Cantorbery, puis vers Jérusalem et le Saint-Sépulcre ».Emprunta-t-elle cette porte des pèlerins ?
Pour en savoir plus, Vasquez de Parga…, Las peregrinaciones a Santiago de Compostela, éd. 1993, t. III, doc. 91, p. 148-154
Si quelque latiniste veut se mettre à traduire les 5 grandes pages du texte, ce serait une belle oeuvre.
Demain :
De royales amours espagnoles