« Pourquoi la coquille s’appelle-t-elle Saint-Jacques ? »
Cette question, elle la pose à un pêcheur, mais pas n’importe lequel, Dimitri Rogoff, président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Normandie. Lequel, dit-elle, se pose en souriant en « spécialiste de la question ! » Elle ajoute :
« Il faut dire que Dimitri Rogoff a travaillé sur cette appellation Saint-Jacques avec Denise Péricard, qui « un jour est venue me voir en me présentant son sujet de thèse sur Saint-Jacques-de-Compostelle, et évidemment figurait dedans la question de la coquille ».
« Il y a dans la mer de Saint-Jacques des poissons communément appelés vieiras qui ont sur deux côtés des protections en forme de coquilles, entre lesquelles se cache un poisson analogue à l’huître ».
Et c’est ce que confirme un dictionnaire moderne : en Espagne, venera est la coquille qui abrite la noix, laquelle est appelée vieira.
Le Codex calixtinus et la coquille
« Les pèlerins les fixent à leurs capes au retour du tombeau de saint Jacques, en l’honneur de l’apôtre, comme en son souvenir, et les rapportent avec grande joie chez eux en signe de leur long périple […]
« De même que le pèlerin porte la coquille tant qu’il est sur le chemin de l’apôtre, de même il doit dans le cours de la présente vie persévérer dans les bonnes œuvres jusqu’à [sa fin dernière] […]
S’il a été voleur ou filou, qu’il devienne dispensateur d’aumônes ; s’il a été prodigue qu’il devienne modéré ; s’il a été avare qu’il devienne généreux ; s’il a été fornicateur ou adultère qu’il devienne chaste ; s’il a été alcoolique qu’il devienne sobre et, de même, qu’il se retienne à l’avenir de tout ce qui lui a valu précédemment d’être accusé ».
Mais alors, de quand date l’expression « coquille Saint-Jacques » ?
Une certitude, il n’est en aucun cas associé à saint Jacques.
Quant au mollusque lui-même, le Pecten maximus (le très grand peigne) défini par Linné au XVIIIe siècle, il est désigné par tant de termes vernaculaires qu’il est difficile de le trouver dans un dictionnaire. Au XIVe siècle, le poète Guillaume de Machaut3, dans le Voir dit (1363-1365), lorsqu’il présente le cyclope Polyphème en amoureux transi exhalant son amour pour la nymphe marine Galatée, compare sa beauté à celle « de quoquilles qui sont en mer »
Les fiançailles de saint Jacques et de la coquille
« ...et leur dist qu'ilz alassent querre leur seur […]en Avignon, et qu'elle feust vestue de housse et chargie de coquilles a l'usage de pelerins venans de Saint Jaques, et montee souffisamment »
« d'azur, à la fasce d'or, chargée de trois coquilles de sable, accompagnées de trois cœurs de gueules »
« - Comme tu as un aspect étrange ! couvert de coquilles imbriquées, tout garni d'images d'étain et de plomb, paré de colliers de paille. - Je suis allé chez saint Jacques de Compostelle ».
Le mariage est consommé, mais pas partout
« Histoire entière des poissons. Composé premièrement en latin par Maistre Guillaume Rondelet, docteur régent en médecine de l’université de Montpellier. Maintenant traduite en français sans avoir rien omis estant nécessaire à l’intelligence d’icelle. À Lyon, 1558 ».
Lui qui habite Montpellier dit :
« Nous les appelons en Languedoc ‘Larges coquilles, les autres Coquilles S. Iaques’ ».
Si on le suit bien, « les autres » sont les seules à s’appeler Saint-Jacques. Mais alors pourquoi le titre de ce chapitre XI ? Il rapporte, sans vraiment y croire, que ces coquilles « volettent en faisant un son ». D’autres, dit-il, affirment qu’elles voient, et se ferment si un doigt s’avance vers elles, sans les toucher. Il a souvent cherché à vérifier, mais sans succès dit-il… Mais pour lui, cette espèce est la meilleure de toute, et il en donne cette recette : « cuire avec la coquille sur les charbons, ajouter un peu d’huile, de sel et de poivre ».
Les hésitations de vocabulaire de Rondelet perdurent car, un siècle plus tard, en 1758, Linné6 présente le Pecten maximus comme coquille Saint-Jacques de l’Atlantique, et le Pecten jacobeus comme une espèce un peu différente qu’on trouve en Méditerranée.
Les mots pour désigner la Pecten maximus (le très grand peigne)
D’où vient l’appellation Saint-Jacques pour les coquilles ?
Notes
1- https://actu.fr/societe/la-question-pas-si-bete-pourquoi-la-coquille-sappelle-t-elle-saint-jacques_45484412.html
On sait aujourd’hui que les coquilles émettent effectivement un son lorsqu’elles s’ouvrent pour absorber l’eau de mer : elles « chantent »
Savez-vous d'où provient le chant de la coquille Saint-Jacques ? - RTL