Le chemin du Piémont pyrénéen


Rédigé par le 19 Septembre 2015 modifié le 1 Février 2024
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Cette publication de La Croix méritait à notre avis un commentaire que nous avons adressé à la rédaction. Un large extrait en a été publié le 14 septembre. Nous nous réjouissons d'avoir été entendus pour la première fois, heureux d'avoir pu enfoncer un clou qui pour ne pas être de bronze nous semble important pour la connaissance de Compostelle.



Le chemin du Piémont présenté par La Croix

La Croix a présenté une série d’été sur les chemins et sanctuaires de pèlerinage. Le numéro des 15 et 16 août présente de façon intéressante et vivante le chemin du Piémont pyrénéen, ses paysages, ses sanctuaires, les habitants des pays qu'il traverse. Mais ni Lourdes, ni saint Pierre Garicoïts ni Betharram n'ont le moindre rapport avec le pèlerinage médiéval à Compostelle. Que ces sanctuaires soient visités aujourd'hui par des pèlerins contemporains qui vont à Compostelle n'en fait pas un chemin vers Compostelle ayant un " patrimoine jacquaire multiséculaire ". La journaliste de La Croix a imprudemment reproduit le discours de l'ACIR. Hormis les propos d’une guide conférencière qui, elle, sait de quoi elle parle en matière de géographie des chemins contemporains, elle a reproduit les idées fausses habituelles que diffuse cet organisme.
Le titre de l'article qui nous a choqués : ” Ce Chemin a façonné le visage du christianisme en Europe “ ne vient toutefois pas de l'ACIR. La rédaction de l'article résume un entretien avec Mgr Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron et responsable pour la France des rencontres épiscopales franco-espagnoles du chemin de Saint-Jacques. Trop réducteur, ce propos nous a conduit à réagir auprès de la rédaction.

Un chemin évangélisateur ?

Notre réaction a d'abord porté sur le titre de l'article.  En 1984, le Conseil de l'Europe a souligné l'intérêt général que présentent les routes de pèlerinage pour la coopération culturelle européenne. Il n'est pas possible d'écrire en 2015 que le chemin (de Compostelle) a façonné le visage du christianisme en Europe. Que dire alors de tous les autres sanctuaires ?
Mais il y avait plus,  le titre était complété dans le corps de l'article par cette affirmation surprenante à première lecture : " le chemin possède en lui-même un dynamisme évangélisateur ". Ce propos peut se comprendre en référence à l'image de l'apôtre évangélisateur et à son ardeur évangélisatrice. Mais le raccourci employé est révélateur d'un glissement sémantique dans les discours relatifs au pèlerinage.
 

De saint Jacques à saint Camino

Il s'inscrit dans une évolution du langage qui tend à faire oublier l'apôtre au profit du chemin. Les associations d'amis de saint Jacques ne deviennent-elles pas des associations d'amis du chemin de saint Jacques ? Le Puy n'offre-t-elle pas sous le nom de Camino un espace muséographique proposant " un Saint-Jacques virtuel et vivant " ? Le chemin plus que sur le saint.

Cette importance donnée au Chemin plus qu'au saint nous fait craindre une dérive que nous exprimions ainsi à La Croix :
L’attention apportée aux chemins depuis qu’ils ont été inscrits au Patrimoine mondial a fait que le culte de saint Jacques disparaît progressivement au profit de celui de saint Camino. Jadis saint Jacques passait pour avoir évangélisé l’Espagne. Il était vénéré partout en Europe. Ses sanctuaires et les marques des dévotions qui lui étaient rendues ont été transformés en balises d’un Chemin qui tend à être vénéré comme évangélisateur de l’Europe.
Nous pensons important de retrouver saint Jacques et les innombrables sanctuaires qui lui étaient dédiés partout en Europe dont beaucoup comportaient des reliques. Là se trouve le véritable patrimoine jacquaire.