La multitude vue par l'ambassadeur de l'émir


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 3 Juillet 2017 modifié le 4 Juillet 2017
Lu 473 fois

La question posée à la Fondation par un touriste, en réaction au discours d'un guide conférencier sur les foules pèlerines a conduit Denise Péricard-Méa à préciser cette question. Voici des informations complémentaires sur l'Historia compostellana.



L'information donnée aux touristes

Voici le discours entendu par le touriste :
« Au XIIe siècle, un ambassadeur de l’émir almoravide Ali Ben Yusuf (1106-1142) questionna, stupéfait : ‘’Qui est ce personnage si grand, si illustre que les chrétiens aillent vers lui en pèlerinage depuis les Pyrénées et de plus loin encore ? La multitude de ceux qui vont et viennent est si grande que c'est à peine si elle laisse libre un passage sur la chaussée en direction de l’Occident’’.
Et de raconter la vie de Ali Ben Yusuf. Sérieux toujours, le guide ne refusa pas de faire connaître ce qu’il appela ses sources, deux livres écrits qui se révélèrent écrits par deux ultra-conservateurs tout dévoués à Compostelle, tenant pour vraies des affirmations sans les avoir étudiées. Il s’agit là d’une bibliographie et non d’une source, qui est le document originel.
 
 

Le texte de l'Historia compostellana

Voici tout d’abord, le texte d’origine, datable des environs de 1120 :
Paragraphe 1 « Le roi des Sarrasins du nom de Ali qui exerce sa souveraineté sur les Agaréens d'en deçà et d'au-delà de la mer d'Ibérie avait envoyé en légation des ambassadeurs Ismaélites, hommes distingués et illustres, auprès de la reine Urraca et de son fils. Quand, sachant que la reine et son fils séjournaient en Galice, ils se furent mis en route vers l'Occident, ils virent tant de pèlerins chrétiens qui allaient à Compostelle et en revenaient dans un but de prière, alors émerveillés ils demandèrent au centurion Pierre qui leur servait de guide et de compagnon parmi les chrétiens et qui connaissait assez bien leur langue : « Qui est ce personnage que la foule des chrétiens fréquente avec une telle dévotion ?  Quel est-il, si grand, si illustre, pour que les chrétiens aillent vers lui, afin de le prier, depuis les Pyrénées et de plus loin encore ? La multitude de ceux qui vont à lui et reviennent de lui est si grande que c'est à peine si elle nous laisse un passage libre sur la chaussée en direction de l’Occident ? »
Il leur fut répondu qu'il s'agissait de saint Jacques, apôtre de Notre Seigneur et Rédempteur, frère de Jean, apôtre et évangéliste, l'un et l'autre fils de Zébédée, lui dont le corps est inhumé en Galice et que vénèrent la Gaule, l'Angleterre, le Latium, l'Allemagne et toutes les provinces de la chrétienté, surtout l'Espagne car elles le tiennent pour patron et protecteur. En outre ce groupe Ismaélien apprit que ce même Jacques avait subi le martyre sous Hérode et que son corps avait été translaté en Galice »
Le paragraphe 2 relate la stupeur de la légation marocaine devant la splendeur de la basilique de Compostelle. Sur quoi leur guide leur répond, après une longue énumération de bien d'autres miracles « que, par son intercession et ses mérites, on obtient de la miséricorde de Dieu que les aveugles recouvrent la vue, que les boiteux marchent, que les lépreux et ceux qui souffrent de maladies de toutes sortes recouvrent la santé ». Ébahis, les visiteurs sont bien forcés d'admettre que leur Mahomet n’est pas en mesure d'accomplir pareils prodiges.

Le devoir de l’historien est d’analyser un document de ce genre pour savoir quel crédit lui apporter : ce qu’il rapporte, qui l’a écrit, dans quelles circonstances et dans quel but ?