Institut recherche jacquaire (IRJ)

La France à Compostelle, étape, 51


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 7 Mai 2020 modifié le 8 Mai 2020
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A l’exception de Louis VII en 1154 , aucun roi de France n'a été pèlerin de Compostelle. Mais ils ont d’autant moins ignoré ce grand sanctuaire que, souvent, leurs épouses, princesses espagnoles ont entretenu la dévotion héritée de Charlemagne.

Les relations des rois de France avec Compostelle font l'objet de la partie A, titrée " La chapelle des rois de France ".

La pratique des dons s'est progressivement interrompue mais cette chapelle a continué à être utilisée dans la relation des Français avec Compostelle. Trois exemples sont donnés pour le XXe siècle dans la partie B.
La messe célébrée à l'arrivée du pèlerinage fondateur d'Henri Roque et deux dons bien différents dans leurs intentions. Le premier manifeste une intention politique, le second la dévotion personnelle et la démarche de deux pèlerines .



Retable de la chapelle des rois de France
Retable de la chapelle des rois de France
A .    La chapelle des rois de France

Fondée 1075, située à la place d'honneur, derrière le grand autel, au centre de l'abside, cette chapelle, dite chapelle du Salvador ( Saint-Sauveur) possède un retable du XVIe siècle. Elle eut la faveur des rois de France à partir du XIVe siècle et fut surnommée " chapelle des rois de France ". Elle fut utilisée pour les confessions et la remise des certificats de pèlerinage.


 

Au début du XXe, pour les Français d’Espagne, cette chapelle fut nommée spontanément « chapelle Saint-Louis » en référence à l’œuvre Saint-Louis fondée à Madrid au XVIIe siècle.

Cette appellation perdura à côté des deux premières. Mais pour les Espagnols l'appellation  Salvador reste la préférée.


A.1 Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis

Alphonse de Poitiers frère de Saint Louis avait, comme sa mère Blanche de Castille (26e étape), formé le vœu de se rendre à Saint-Jacques. Comme elle, il n’a pas pu l’accomplir. En juin 1270, avant d’embarquer pour la croisade qui devait être la dernière et craignant à juste titre de ne pouvoir accomplir ce pèlerinage, il rédige son testament à Aimargues près d’Aigues-Mortes, par lequel il commue ce vœu en une fondation

 

« Nous voulons qu’en l'église Saint-Jacques de Compostelle soit établi un cierge qui arde de jour et de nuit perpétuellement devant l'autel ». 

 

Lorsque, comme prévu, son héritage revint à la Couronne de France les rois ont repris à leur compte l’exécution de son vœu, payable par la sénéchaussée de Saintonge. La rente pour le cierge a continué d'être inscrite sous la rubrique « aumônes du comte de Poitiers ». Les archives de la cathédrale de Saint-Jacques conservent ainsi, daté de janvier 1278, l'ordre de Philippe III, roi de France, de payer 20 livres tournois pour ce cierge.

 

 


A.2 Le roi de France Philippe V

Philippe V Le Long
Philippe V Le Long
A partir du moment où Béranger de Landore fut nommé archevêque en 1317 (voir étape n°28) l’intérêt des rois de France se manifesta plus concrètement. Ils l’ont aidé à asseoir son autorité.

Peu après 1320, Philippe V confia des subsides à son oncle Charles d’Anjou partant pour Compostelle. Ils étaient destinés à la restauration de la chapelle du Salvador.

A.3 Le roi de France Charles V

La France à Compostelle, étape, 51
Pendant la guerre de Cent Ans, l’alliance est durable entre la France et l’Espagne. En 1372, le roi Charles V charge son ambassadeur auprès de l’archevêque d’organiser l’embellissement de cette chapelle du Salvador et d’y instaurer un service divin permanent.
A cette fin, il finança l’entretien de trois chapelains chargés d’y célébrer six messes quotidiennes par un don de 3 000 florins et une rente annuelle de 120 doublons.

La chapelle fut nommée dorénavant « chapelle des rois de France », marque indélébile —et ostentatoire— apposée dans la cathédrale, rappel permanent de ce que l’Espagne devait à la France en reconnaissance de son aide.

A.4 Le roi de France Louis XI

Louis X portrait, gravure XVIIe d'après Jean FOUQUET
Louis X portrait, gravure XVIIe d'après Jean FOUQUET
La rente annuelle sembla versée avec plus ou moins de régularité :
20 livres en 1414, puis 80 livres en 1457 qui n’entretiennent plus que deux chapelains et les cierges du comte de Poitiers, qui brûlent dorénavant sur l’autel de cette chapelle.
En 1463, Louis XI envoie sa mère, Marie d’Anjou avec pour mission (officielle) de s’assurer que les cierges brûlent effectivement ! De quelle autre mission l’a-t-il chargée ? On ne sait, mais elle part en plein hiver et meurt au retour…
En 1467, Louis XI constate que les messes ne sont plus chantées, sans doute parce que la rente n’est pas versée… Il « rétablit durablement la fondation de Charles V » mais sur la base de trois messes quotidiennes au lieu de six. Durablement ?

Ce sont toujours les bourgeois de La Rochelle qui paient la redevance. En 1481, l’un porte une grosse somme d’argent destinée aux trois messes quotidiennes toujours chantées
Mais rien n’est durable : le 18 juin 1579, le chapitre Saint-Jacques de Compostelle envoie une lettre à la Cour de France pour demander le paiement des anciennes fondations faites par les rois de France.

B.  Trois aperçus sur le XXe siècle

B.1 1963, Henri Roque ouvre le Camino francés

On voit sur cette photographie un Français servant une messe dans la chapelle du Salvador. Il s'agit d'Henri Roque,  maître randonneur, qui a conduit à Compostelle plus 200 pèlerins-cavaliers  et a ouvert la voie aux cavaliers.
Il organisa le premier pèlerinage à cheval du XXe siècle vers Compostelle en 1963.

Parti d'Eygalières (Bouches du Rhône), il fut accueilli au Somport par le général commandant la cavalerie espagnole. Son groupe fut ensuite escorté par quatre officiers jusqu'à Compostelle. Entrant parfaitement dans le plan du gouvernement espagnol, cette chevauchée dynamisa la promotion du pèlerinage en France au moment de l'année sainte 1965 où il dirigea la Chevauchée de Compostelle au départ de Paris.

Un précurseur trop méconnu dont le souvenir a été effacé.
 

B.2 Un don politique

Connu sous le nom de " calice du maréchal ", le ciboire offert au nom du maréchal Pétain
Connu sous le nom de " calice du maréchal ", le ciboire offert au nom du maréchal Pétain

Lors de l’année sainte 1943, l’ambassadeur de France en Espagne projette un pèlerinage à Compostelle le 25 août, jour de Saint-Louis des Français. Il aimerait qu’une messe soit célébrée dans la « chapelle Saint-Louis dans la cathédrale ».

Il écrit à Laval ministre des Affaires étrangères,

« qu'il souhaite pouvoir offrir à l’archiconfrérie un bel objet religieux ou tout autre souvenir un peu important et d’un caractère personnel au nom du Maréchal, sous le signe duquel je placerai ce pèlerinage ».

Laval répond :

« Le maréchal Pétain offrira à Santiago un objet en argent, vraisemblablement un ciboire, que vous remettrez lors de votre visite officielle. Le texte suivant serait gravé sur l’écrin : « offert par le maréchal Pétain à la confrérie de Saint-Jacques de Compostelle le 25 août 1943, fête de Saint-Louis des Français »

Ce qui fut fait. Il invite l’évêque de Madrid :

« je crois que ce sera une belle manifestation, quoique modeste, à l’occasion de l’année sainte et une manière, dans le désordre et l’adversité actuelle, de reprendre le chemin de Saint-Jacques et l’ancienne coutume de la chrétienté. »

Le ciboire vient de chez Puiforcat, il est conservé dans le Trésor de la cathédrale.


B.2 Un don personnel

L'offrande d'un tapis d'autel dans la chapelle des rois de France
L'offrande d'un tapis d'autel dans la chapelle des rois de France

L’humble et précieuse offrande de deux pèlerines

En 2001, elles sont parties à cheval de Lectoure pour aller offrir à la chapelle des rois de France un tapis d’autel filé et tissé à la main, teint avec le fameux « Bleu de Lectoure » qui était remis à l’honneur depuis 1994. Il a été brodé par les religieuses du Carmel : la coquille de l’Association des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle dans le Gers et le symbole héraldique de la Galice : le Saint-Sacrement de Lugo.


Pour en savoir plus :
Sur Henri Roque : Henri Roque, promoteur de Compostelle
Et L'homme à cheval sur les chemins  de Compostelle, 1963, récit de Henri Roque, présentation Denise Péricard-Méa, avec Vanina Roque-Troisgros, éd. C'est-à-dire, Forcalquier, 2013
Sur les rois de France et l'Espagne :

L’Espagne de saint Jacques et la France de saint Louis Article publié par ESPAÑA de Tanger le 10 Septembre 1943

http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=1132#bodyftn1

Demain nous arrivons à Compostelle