En 1987, Marie de Menaca, professeur d’Espagnol à l’Université de Nantes retrouvait quelques chansons des trouvères de la Galice portugaise, mettant en scène le chemin de Saint-Jacques, lieu de rencontre idéal :
« Le roi vient en pèlerinage à Saint-Jacques ma mère, et cela me plait du fond du cœur pour deux raisons, que Dieu me pardonne, par lesquelles Dieu me fait une grande faveur : tout d’abord je verrai le roi que je n’ai jamais vu et puis je verrai mon ami qui vient avec le roi ».
Une autre dit :
Saint Jacques apparait quelquefois comme le protecteur des amoureux :« J'avais décidé d'aller à Saint-Jacques […] pour faire mes prières […] et pour y voir mon ami aussitôt […] Et s’il fait beau et si ma mère n’y est pas, je voudrais être gaie et me faire jolie ».
« Oh saint Jacques, sage protecteur, conduis vers moi mon aimé !
Sur la mer vient celui qui a des fleurs d'amour ».
Un pèlerin-poète raconte :
« Un jour où je fus à Compostelle en pèlerinage, je vis une pastoure. Depuis que je suis né, jamais je n’en vis de si belle et qui parlât si gentiment. Je lui demandai aussitôt son amour et en son honneur j’écrivis cette pastourelle […] Je vous donnerai de belles coiffes d’Estella, de beaux rubans de Rocamadour, et d’autres cadeaux à votre goût, et du beau tissu pour la tunique »Et la belle de répondre
« Je veux vous prendre pour amoureux et après que le pèlerinage soit fini d’ici, où je suis née, si vous voulez m’amener m’en aller avec vous ... ».Sur le même thème
« Un chevalier allait, certain jour, à cheval sur le camino francés où se trouvait une pastoure qui chantait avec trois autres bergères, ne vous en déplaise : ‘qu’aucune femme ne prête foi à son ami car le mien s’en alla et ne dit rien ‘ »
Le pèlerin fidèle
Dans un autre poème, une jeune fille jalouse interroge son ami :
« Qu'as-tu fait mon ami lorsqu'à Lugo tu es allé ? Et quelle est cette belle dont tu es tombé amoureux ? ».Il la rassure en répondant
« C'est l'amour que je te portai de Saint-Jacques à Lugo qui m'accompagna à l'aller et qui me ramène ».
Quand l'aumônier amuse la cour ...
L'abbé Mellin de Saint-Gelais
Au XVIe siècle, le très sérieux aumônier de la Cour puis conseiller du roi, Mellin de Saint-Gelais, versifie à ses heures et compose plusieurs poèmes d’amour associés au chemin de Saint-Jacques. Prédécesseur des poètes de la Pléiade avec lesquels il est à couteaux tirés, en particulier avec Ronsard.
En un S. Jacquez
Amour m’a fait un voyage entreprendre
Dont si je suis sûr au bout parvenir
Je lui promets coquille et bourdon rendre
Ni plus jamais pèlerin devenir.
En un saint Jacques
Si Dieu nous faisait devenir
Pèlerins à quelque pardon
Je ne saurais rien retenir
Que ne misse à votre abandon
Bien voudrais-je en même manière
Pouvoir par honnête guerdon [récompense]
Fouiller en votre panetière.
En une ymaige de St. Jacques.
Vision nocturne des bergers, Compost et calendrier des bergers, 1493 (Angers BM-impr. Réserve SA3390 fol 77v, mod. PMA)
Les pelerins qui vont à Compostelle
Suivent du ciel la droite et blanche voie,
Et moi allant où forte amour m’appelle,
Son brandon seul me guide et me convoie.
J’ai pour bourdon son dard qui ne fourvoie,
Et de sa trousse étant vide et légère
Je me suis fait écharpe et pannetière.
Bref de ce dieu j’ai plus que je ne veux,
Fors qu’il ne laisse exaucer ma prière
Là où j’adresse et mes pas et mes vœux.
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Demain des Amours conjugales