Jacques le Majeur, auteur de l'Epître ?, étape n° 23bis


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 10 Avril 2020 modifié le 10 Avril 2020
Lu 287 fois

Plusieurs lecteurs ont été troublés, voire indignés, de l'attribution de l’Epître de Jacques au Majeur. Ma proposition est de pèleriner sur les traces des pèlerins médiévaux. L'étape d'hier disait clairement : " Le Majeur est considéré - au Moyen Age - comme auteur de l’Epître ".
Voici des documents, littéraires et iconographiques qui justifient cette affirmation.



Le Majeur auteur de l’Epître dans les textes

BnF, manuscrit du XIVe siècle

Il est exact que de nos jours, l’Eglise continue à attribuer la rédaction de l'Epître héponyme à Jacques le Mineur, sans encore tenir compte  des études les plus récentes des exégètes qui concluent à un auteur de la 2e ou 3e génération chrétienne. Mais là n’est pas mon propos.

Il ne concerne que les croyances des hommes du Moyen Age qui, eux aussi, se sont interrogés sur l’auteur. Déjà au IVe siècle, le théologien Eusèbe de Césarée écrivait dans son Histoire ecclésiastique : « On dit que Jacques, frère du Seigneur est l'auteur de la première des épîtres appelées catholiques. Mais il faut savoir qu'elle n'est pas authentique » 

Au VIIe siècle, les Catalogues apostoliques expliquent

« Jacques, fils de Zébédée, frère de Jean, quatrième dans l’ordre, écrivit aux douze tribus qui sont dispersées parmi les Gentils » [1]

Au XIIe siècle, les chanoines de Compostelle, dont on ne peut suspecter la dévotion à aucun autre saint Jacques que le Majeur, font de l’Epître de Jacques leur épître de la messe vigile de Saint-Jacques, le 24 juillet [2] et la citent de nombreuses fois, en particulier dans le Livre I, recueil de sermons.

Au XIIIe siècle, le grand théologien Guillaume Durand, dans son Rational des divins offices considère de même mais avec prudence, que Jacques le Majeur en est l’auteur : « à saint Jacques apôtre dit Majeur […]  aucuns disent cette épître Jam non estis hospites […]. On le peut prier en toutes nécessités et par especial pour avoir rémission des péchés »[3].

Au XIXe siècle Mgr. Duchesne pensait encore que c’est « Jacques, fils de Zébédée, frère de Jean, quatrième dans l'ordre, [qui] écrivit l'épître aux douze tribus qui sont dans la dispersion »[4].

  [1] De ortu et obitu Patrum, MPL 83, col. 51.
[2] « Etudes sur le Livre de Saint-Jacques attribué au pape Calixte II », Bulletin des Etudes Portugaises et de l'Institut Français au Portugal, t.XI, 1947, p.137.
[3] BnF, ms.fr.176, fol 239 v°, traduction de Jean Golein, ms XIVe. siècle.
[4] Duchesne Louis, « Les anciens recueils de légendes apostoliques », Actes du IIIe congrès scientifique international catholique (1894), Bruxelles, 1895, p. 8.  

Le Majeur auteur de l’Epître dans l’iconographie

Le Majeur présente l'Epître à Saint-Gilles du Gard
Bien éloignés des réflexions et doutes des théologiens, les fidèles étaient informés par les images.  La plus ancienne représentation semble être celle de la façade de l’abbatiale de Saint-Gilles du Gard, du XIIe siècle. Parmi plusieurs apôtres, saint Jacques le Mineur est identifié par le sculpteur. Saint Jacques le Majeur, lui, présente un livre ouvert sur lequel est gravée une phrase de l’Epître : OMNE DATUM OPTIMUM ET OMNE DONUM PERFECTUM DES. La suite se lit sur l’auréole : SURSU(M) EST DESCENDENS A PATRE LUMINE.
« Tout don de valeur et tout cadeau parfait descendent d'en- Haut, du Père des Lumières,
(Jc. Chap.1, v.17) ».

Statue de saint Jacques Bourg-Argental

Au XIIIe siècle, on retrouve saint Jacques le Majeur auteur de l’Epître sur la façade de l’église Notre-Dame de Bourg-Argental, dans la Loire. Il présente un phylactère sur lequel est gravée, avec les abréviations d’usage, cette phrase :

INFIRMATUR QUIS IN VOBIS INDUCAT PRESBYTEROS ECCLESIAE ET ORENT

La suite est effacée mais cette seule partie visible permet de reconnaître l’une des phrases les plus fréquemment citées de l’Épître de Jacques :

« L’un de vous est-il malade ? Qu’il appelle les anciens de l’Église, et qu’ils prient sur lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur » (Jc, V, 14).

 


Chapiteau couronnant la statue de saint Jacques, Bourg-Argental
Sa statue-colonne, malheureusement en très mauvais état est surmontée d’un chapiteau représentant son martyre, preuve pour qui ne ferait pas confiance aux épigraphes, qu'il s'agit bien du fils de Zébédée, frère de Jean l'Evangéliste.