De la guerre d’indépendance à la guerre civile
En 1808 Napoléon, désirant ajouter l’Espagne à ses conquêtes, envahit le pays. Le 25 juillet il place son frère Joseph sur le trône. L’Espagne ne l’entendit pas de cette oreille et, dès avant cette date, a organisé la résistance en une « Junte d’armement et de Défense ». Saint Jacques reprenait sa bannière de combattant : le 12 juillet eut lieu une messe des soldats à la cathédrale de Compostelle au cours de laquelle, au nom de saint Jacques, l’Eglise promit la victoire comme il l’avait prédite au roi Ramire à Clavijo.
Les étudiants sont en première ligne puisqu’ils forment un « bataillon littéraire » en 1808. A Compostelle ces derniers sont encore présents le 3 mars 1896 sur la Quintana, lors de la manifestation de soutien à l’armée espagnole défaite à Cuba.
En revanche seule la municipalité commémore en 1822 le rétablissement de l’absolutisme par le roi Ferdinand VII puis en 1865 la guerre déclarée à l’Espagne par le Pérou et l’Equateur.
Ces dates résument un XIXe siècle au cours duquel l’Espagne fut confrontée à des problèmes intérieurs et extérieurs graves, nécessitant beaucoup de prières à saint Jacques. Ainsi écrit un prêtre catalan dans la revue brésilienne Revista popular :
« Il faut comprendre que nous sommes et voulons rester héritiers et disciples
de l'apôtre armé, un saint Jacques à cheval participant à des batailles sanglantes »
Dorénavant, chaque clan choisit « son » saint Jacques. Le 25 juillet 1923, le chapitre de Compostelle laissait éclater ses foudres à la vue d'un dessin d’Alfonse Rodriguez Castelao (1886-1950), paru dans le journal Galicia de Vigo.
A gauche de l’image, saint Jacques du porche de la Gloire, image des défenseurs de la République, à droite le Matamore, légendé matapersonas indefensas (tueurs de personnes sans défense), image des Carlistes, conservateurs, royalistes.
Les jeunes de l’Action catholique
En 1931, les jeunes de l’Action catholique ont vu dans l’instauration de la IIe République une révolution communiste alimentée par l’Union Soviétique. D’où leur idée d’un pèlerinage national des jeunes à Compostelle pour démontrer que l’Église pouvait aussi mobiliser des foules de jeunes garçons. Le 16 juin 1936 (avant le coup d’Etat des 17-18 juillet), ils fondaient la revue Signo
« Pèlerinage de guerre : Compostelle nous oblige à apparaître comme les dignes descendants de l’apôtre :
fermes dans la foi, joyeux dans le sacrifice, amoureux de la discipline, travailleurs dans la prière et riches en œuvres de l'apostolat.
Le souhait : « cent mille jeunes en état de grâce à Compostelle » durant la prochaine année sainte 1937. Le n° 3 de Signo, 6 juillet 1936, publie une « prière à saint Jacques » qui prouve l’imminence du conflit.
« Epargne-nous la tentation. Conduis de nouveau ton peuple comme aux jours aventureux de la gloire chrétienne.
Intercède pour que, aidés de la grâce divine, nous sachions souffrir, rester souriants dans la douleur et savoir mourir en offrant notre vie ».
Le n° 4 de Signo, imprimé avant les jours d’émeutes du 18 juillet, présente une « Offrande de la jeunesse à son Caudillo » assortie de ce conseil à Franco (caudillo =seigneur de guerre, chef, le qualificatif attribué couramment à Franco) :
« Recherchez dans le ciel le tracé à jamais gravé de votre chemin.
Avec saint Jacques cavalier, élargissez le domaine du christianisme.
Nous sommes à vos côtés dans cette mission. »
Dans ce même numéro cette prière « Face à saint Jacques » :
« Tous ceux qui luttent pour l’honneur hispanique, faites-les pèlerins…
à l’heure où nous allons lever la grande croisade, la reconquête du monde,
pour le Christ, par la force et la foi de l’âme espagnole ».
Le grand mot de « croisade » est lâché.
Depuis son premier numéro, Signo prédisait que la victoire coïnciderait avec l'Année jubilaire 1937, adoptant la devise du pèlerin médiéval :
« Et ce sera. Parce que Dieu et saint Jacques y aident ».
Et, dès le début des hostilités, chaque quinzaine la revue publiait un tableau d’honneur des jeunes de l’Action catholiques tués au combat, sous le titre : « Offrande éternelle : ceux qui sont venus à saint Jacques ».
La même année,Franco ordonne la reprise du versement de l’Offrande de la Nation, supprimée par la République (décret 325 du 21 juillet 1937) :
L’Apôtre saint Jacques est reconnu comme étant le saint Patron de l’Espagne, et
le 25 juillet de chaque année devient un jour de fête où un tribut lui sera versé au moyen d’offrandes
dont les proportions et les formes furent fixées en leur temps
par le Brevet Royal du 7 juillet 1643 et le décret du 28 janvier 1875.
Le Pape Pie XI décide de prolonger l’Année Sainte en 1938. La revue Signo relate :
« Sa Sainteté le Pape Pie XI donne à l’Espagne une preuve d’amour exceptionnelle.
Pour la première fois dans l’histoire se prolonge l’Année Sainte de Compostelle, afin que, si la guerre prend fin,
les jeunes de l’Action Catholique Espagnole puissent réaliser leur souhait le plus cher ».
La guerre se termine le 1er avril 1939. Le quotidien phalangiste Arriba du 25 juillet 1939 écrit :
« Le saint espagnol doit être un saint équestre à qui le Dieu des batailles, Saint Jacques n’en a pas donc fini pour autant : « son nouveau patronage : la révolution national-syndicaliste est maintenant la grande entreprise de l'Espagne.
qui est celui du ciel tonnant de l’Ancien Testament, prête assistance ».>
Et dans cette entreprise, la jeunesse, entièrement présente, offrant la vie et la mort, voit à la place d'honneur le capitaine de Jésus-Christ ».
La peinture murale du peintre bolivien Arturo Reque Meruvia (1906-1969) résume la guerre civile. Elle date de 1948 et son titre est ALEGORIA DE FRANCO Y LA CRUZADA.
Au centre, Franco sous l’armure de chevalier de Santiago