Les archives de la mairie de Viana
A la base, trois promoteurs présentent un avant-projet d’une « auberge El Bordón del Peregrino sur la route de Santiago ». Le « bourdon du pèlerin », le titre interpelle ! Cette auberge doit être le premier élément d’un complexe sportif et touristique. Pour persuader le conseil municipal de leur donner les terrains situés autour du lac de Las Cañas, les trois hommes appuient ainsi, sans la mentionner, sur la promotion faite pour l’année sainte 1965, déjà lancée, rappelons-le, par Fraga Iribarne, ministre du tourisme. Cette installation, écrivent-ils
« serait sans aucun doute d'un grand bénéfice pour la ville de Viana, compte tenu du mouvement touristique progressif qui augmente chaque année et qui, naturellement, exige que les touristes soient attirés par des installations confortables et bien équipées dans un confort moderne, comme c'est le but du projet ».
« Nous traversons la frontière entre la Navarre et La Rioja. À gauche de la route, l'auberge El Bordón del Peregrino est en cours de construction. Les projets doivent être ambitieux, à en juger par l'étendue des terrains destinés aux installations »2.
« De la présentation par les demandeurs de l'avant-projet et du rapport, ainsi que de la délimitation des terrains nécessaires »
« Cet accord détaille les conditions à remplir par les promoteurs pour réaliser lesdits travaux »3.
C'était le 13 juin. Fête du Corpus Christi. Les pèlerins équestres Caballeros de Santiago, quatre français et quatre espagnols, ont annoncé leur arrivée à Viana. Leur arrivée a coïncidé avec la bénédiction et l'inauguration officielle de el Bordón del Peregrino, cette auberge médiévale de pierres brutes qui anticipe les rêves fantastiques qui s'envolent sur les rives du marais.
D'un geste chevaleresque, quatre jeunes gens de Viana sont allés à leur rencontre et à l'orée du territoire communal ont donné le premier salut à cette ambassade franco-espagnole. A La Solana, ils trouveront à leur arrivée toute la ville de Viana qui leur a réservé un accueil spontané et chaleureux.
Mais les travaux ont traîné en longueur :
« La vérité est que nous, les jeunes de 15 ans, ne croyions pas vraiment que ce rêve allait se réaliser. Je m'en souviens qu’un jour où nous nous sommes approchés du monticule, nous avons fait part de nos doutes au gardien qui surveillait la construction et ses environs ; il a insisté à maintes reprises sur le fait que le projet était toujours en cours, sans nous convaincre ».
« D'autre part, je me souviens des commentaires des agriculteurs dont les terres étaient situées à proximité du lac qui ne voyaient pas les travaux d'un bon œil ; ils pensaient que l'opération pouvait affecter non seulement les terres de la mairie mais aussi les leurs, fertiles en raison de la proximité de l’eau. Ils n'étaient pas prêts à vendre ».
Après l'enthousiasme, la déception
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe,
puis ce fut le silence.
« C'est ainsi que la bâtisse inachevée a traversé les décennies des années 60, 70 et 80, après avoir dû supporter ce couplet satirique, peint sur une surface carrée cimentée sur son flanc sud, avec la marque d'un feu de joie probablement réalisé par des chasseurs dans la zone des marais :
Mots tristes et désabusés dont voici une meilleure traduction proposée par Elvire Torguet :Bordón, ya no eres Bordón, /que te has vuelto Bordonillo / el Camino de Santiago / siempre estuvo lleno [de] pillos.
« Bourdon, tu n'es plus un Bourdon
Un Bourdonnet tu devins
Le chemin de Saint-Jacques
Toujours fut plein de vauriens ».
El Bordón.
L'observatoire reçoit 3000 visiteurs par an, combien de pèlerins parmi eux ?
Le Bordon et l’Esprit du chemin
Par contre, depuis le Somport, le passage d’Henri Roque et de ses cavaliers est clairement instrumentalisé pour assurer la promotion du Camino en vue de l'année sainte 1965. Ils sont reçus comme des pèlerins de marque. Mais rien ne laisse penser que la vocation du Bordón ait été de traiter les pèlerins autrement que les touristes ou les sportifs auxquels il est également destiné.
Pèlerin ? Touriste ? Est-il indispensable de vouloir à tout prix définir ce qui relève de l’un ou l’autre mot ? D’ailleurs, qui peut s’instaurer juge en la matière ? Il nous semble intéressant de faire de ce sujet qui est au centre de beaucoup de réflexions le thème d'une lettre, dans une quinzaine prochaine.
Vos avis sur la question seront les bienvenus.
Notes
1 - Arch. mun. Viana, 1.2.1. Livre 0097, procès-verbaux du conseil municipal, 1963, 4, 27, p. 50-52.
2 - Jimeno, José Mª, El renacer de la Ruta Jacobea desde Estella. Los Amigos del Camino de Santiago y la peregrinación de 1963, Editorial Pamiela, Pamplona, 2010, p. 199.
3 - Arch. mun. Viana, id., ibid., p. 106-107.
4 - Arch. de Félix Cariñanos, "Peregrinos", Revista Viana, nº 2, 1963, pp. 3 y 6.
5 - Id., ibid., p. 223.
Que peut apporter l'expérience pèlerine à la société dans ces domaines ?