Deux royales amours espagnoles, étape n° 44


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 30 Avril 2020 modifié le 30 Avril 2020
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Plusieurs fois, des alliances franco-espagnoles ont été scellées par des mariages. Les deux, objets de l’étape d’aujourd’hui, ont été prétexte à un pèlerinage à Compostelle. Le premier est celui du roi de France Louis VII, qui a eu la singulière idée de répudier son épouse Aliénor d’Aquitaine. Le second, celui de Jean de Brienne, un roi bien oublié du temps des Croisades, un roi de Jérusalem.



Louis VII (1120-1180)

Le sceau de Louis VII

   

   

Louis VII épousa Aliénor à Bordeaux le 25 juillet 1137. Il fut fait duc d’Aquitaine à Poitiers quelques jours plus tard. Malgré la date du mariage, saint Jacques n’a pas évité la rupture dix ans plus tard, le 21 mars 1152.

 
 


Dépité, Louis VII se tourne vers la Castille obtient la main de Constance, fille du roi Alphonse VII de Castille, allié du comte de Toulouse. Elle a 18 ans. Il l’épouse à Orléans dans les premiers mois de 1154. Elle est sacrée le même jour.  Elle a pour tâche de donner un héritier mâle au royaume. Hélas, elle accouche d’une fille puis meurt en donnant naissance à la seconde, en octobre 1160.

Elle fut inhumée à Saint-Denis. Exit la reine, bien oubliée de l’Histoire, au profit de la suivante qui engendra Philippe-Auguste.


Le gisant de Constance

Les cendres de Constance ont été transférées en 1263 quand Saint Louis a décidé de réunir les restes de 14 de ses ancêtres pour rappeler la continuité dynastique. Pourtant, Constance n’est pas sa grand-mère, mais il rappelle ainsi que sa mère Blanche de Castille était de sa noble lignée espagnole. Sur son gisant est inscrit

« Reine Constance qui vint d’Espagne ».

Sur le gisant (image ci-dessus), Saint Louis l’a placée à la gauche de Philippe, héritier du trône mort à 15 ans, frère aîné de Louis VII.


Louis VII à Compostelle

Il reste un épisode peu connu de cette époque, celui d’un pèlerinage à Compostelle effectué par Louis VII et d’une visite à la cour de son beau-père Alphonse VII, d’octobre 1154 à janvier 1155. Cette période tardive laisse à penser à quelque affaire urgente à traiter.
Tout s’est effectué très discrètement et n’est mentionné que par l’abbé du Mont-Saint-Michel qui s’attarde surtout sur la visite faite par le roi au père de sa nouvelle épouse, qualifié d’« empereur des Espagnes », comme s’il remarquait une certaine supériorité :

« Louis roi des Français se rendit à Saint-Jacques de Galice pour y prier et fut favorablement accueilli en Espagne par l'empereur d'Espagne son beau-père ».

En Angleterre, un autre contemporain signale seulement le pieux pèlerinage.


Il est exact qu’à cette époque Alphonse VII se voulait le successeur de Charlemagne. Cette rencontre est suivie de plusieurs autres avec des princes au long du trajet du retour.

D’où cette mention dans les archives de Saint-Sernin :

« Moi, Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français, revenant de Saint Jacques et passant par Toulouse »


Le sceau de Constance de Castille
Les chroniques espagnoles de l’époque, reprises au XIIIe siècle, rapportent comment à l’aller à Burgos et au retour à Tolède Louis VII fut reçu avec un tel faste qu’il perdit ses « doutes » et repartit en disant qu’aucune cour au monde n’était aussi noble que la cour de Castille. Selon ces « doutes », Louis VII aurait eu vent d’une naissance illégitime de son épouse, ainsi que de dénigrements sur la pureté du lignage castillan.

Dans les siècles suivants, on mentionne encore parfois cette expédition.  Un historien écrit, en 1628 :
« Nostre histoire dict, qu'après avoir […] espousé Constance, fille d'Alfonse, roy de Galice, il alla par dévotion en pellerinage à S. Jacques de ce lieu ».
En 1868 ressortent les fameux doutes :
« Pour s'assurer de la légitimité de sa femme, il fait semblant d'aller visiter son beau-père roi de Castille et faire le voyage de Saint-Jacques de Compostelle ».

Jehan de Brienne (v.1170-1237),

A Jérusalem, l'hommage au roi Jean

Ce vassal des comtes de Champagne, cadet de sa maison et valeureux chevalier fit partie de la royauté de Jérusalem issue des Croisades.

En 1208, le roi Philippe-Auguste lui permet d’épouser Marie de Montferrat reine de Jérusalem, ce qui fut fait en 1210. Il est veuf dès 1212 puis une seconde fois en 1220.

Après la perte de Damiette (1220) il entreprend une grande tournée dans les Cours européennes pour aller chercher du secours.
En 1223 il est en France. Son unique biographe écrit au XIIIe siècle :

«  en 1224, alla à Tours où il prit solennellement le bourdon de pèlerin le premier dimanche de Carême pour aller visiter le tombeau de saint Jacques en Galice… La piété solide de ce prince eut sans doute beaucoup de part à ce voyage, mais la politique y entrait aussi pour beaucoup, aussi bien que le dessein de solliciter les secours des divers monarques d’Espagne… ».


Le biographe expose une autre raison de cette visite :

« Le roi Jean était veuf et il n’ignorait pas qu’à la cour de Castille il y avait une jeune princesse qui convenait infiniment à ses intérêts ».

Cette princesse était  Bérangère (1204-1237), fille d’Alphonse IX (1171-1230) roi de Léon et de Bérangère de Castille (1180-1246), soeur cadette du futur roi saint Ferdinand III (1199-1252).

Sa mère, dont elle portait le prénom, était la soeur de Blanche de Castille (1188-1252), épouse de Louis VIII et mère de Saint Louis (1214-1270).

Les Grandes Chroniques de France se sont fait l’écho de leur mariage :

« … retourna par Burgos en Espaigne et là prit à femme madame Berengiere, soeur du roy de Castelle, nièce madame Blanche alors royne de France »

Jehan, neveu de Blanche de Castille, épousa donc une cousine de  Saint Louis.

La Chronique tourangelle est seule à en rendre compte de cette visite dans  à l'église de saint Martin

« Dans l'octave suivant la Pentecôte, Jean, roi de Jérusalem, est revenu à Tours du pèlerinage de Saint Jacques avec la fille du roi de Galice, qu'il y avait épousée et qui fut reçue solennellement dans l'église de saint Martin, le seigneur roi venant déposer dans cette même église le bâton de pèlerinage qu'il y avait reçu ».

Il ne s’attarde pas et remonte à Paris. Son épouse lui donne trois fils et une fille. Ils meurent tous les deux la même année.

Demain : un article dans l'air du temps