Les ruines de l'abbaye de Reading
Des antécédents en Normandie
« Il existe ainsi, en Neustrie, une église consacrée à sa mémoire, dans laquelle sont vénérées ses reliques très précieuses, où nous savons que se produisent quotidiennement autant de miracles qu'il convient par l'opération d'un tel apôtre ».
« Et cette piété divine n'opère pas seulement dans le lieu qui doit être révéré en toute dévotion, mais aussi dans tous les lieux consacrés au nom du saint ».
Une autre relique à Reading, XIe ou XIIe siècle ?
le cartulaire de Reading explique qu'une « main de saint Jacques » a été apportée par « le roi Henri ». Mais lequel ? Il a existé un Henri Ier roi de France de 1031 à 1060 et un Henri Ier roi d’Angleterre de 1100 à 1135. Selon le cartulaire, la relique aurait été donnée en 1126 par le fondateur de l’abbaye, le roi Henri Ier d’Angleterre, qui la tenait lui-même de sa fille, veuve de l’Empereur Henri V :
« Sachez que la glorieuse main de l’apôtre Jacques que l’Impératrice Mathilde, ma fille, me donna à son retour de Germanie, moi, à sa demande, je vous l’envoie et donne pour toujours à l’église de Reading. Je vous demande de la recevoir avec toute la vénération qui lui est due, et que vous et vos successeurs prennent soin de la montrer dans l’église de Reading et de l’entourer de tout l’honneur et la révérence qui lui sont dus, comme il sied à une insigne relique du si grand apôtre »
« l’an du Seigneur 1033 l’Angleterre fut couverte de ténèbres et il y eut un tremblement de terre. Le soleil devint semblable à la lune dans son troisième quartier. Le roi Henri passa la mer et envoya à Reading une main de saint Jacques ».
Le livre des miracles
« Cette tumeur descend sur ses joues et envahit complètement son visage. Son front joint avec face et joues rejoignit ses sourcils, ce qui le priva bientôt de la vue. Ses yeux le démangeaient tellement qu’ils avaient jailli hors de ses sourcils, rongeant ses paupières ».
Il décrit l’interminable accouchement d’une jeune femme noble. En voici un résumé qui fait comprendre pourquoi tant de jeunes femmes mouraient en couches : L’accouchement se passe très mal malgré les « médecines qu’elle avait essayées » et malgré les « gemmes et pierres précieuses » envoyées par le roi « et dont on croyait qu’elles pourraient l’aider dans son travail, appliquées » sur son corps. Les jours passent et chaque heure et minute elle souffre de plus en plus. Le lecteur assiste en direct à l’agonie de la jeune mère :
« Quand elle eut été en travail depuis quatre jours et autant de nuits et que la naissance n’avait toujours pas eu lieu, seule la mort semblait rester et sa fin approchait rapidement. Depuis deux jours, une des mains du fœtus pendait hors de sa mère et ne pouvait être reculée. L’enfant était mort et avait fait du ventre de sa mère sa propre tombe. Il était un corps mort enterré dans un corps mourant, un cadavre dans un cadavre, un enfant dans sa mère ».
Les sage-femmes conseillent alors « l’eau de saint Jacques ».
« On la donna à boire à la malheureuse mère qui immédiatement s’endormit. Sous cette influence, inconsciente et ne sentant pas la douleur, elle accoucha par le pouvoir de l’apôtre et échappa ainsi aux griffes de la mort ».
montre comment cette « eau de saint Jacques » a permis d’arrêter une épidémie apparue, à Bucklebury et dans les villages alentour. L’abbé de Reading vint sur place célébrer une messe en l’honneur du bienheureux Jacques après laquelle il bénit une grande quantité d’eau dans laquelle il plongea le reliquaire contenant la main sacrée. Ensuite, avec cette main de l’apôtre tenue en l’air il monta sur une éminence d’où il bénit la région et donna des instructions pour qu’on asperge d’eau sainte chacune des maisons, ce qui fut fait, et l’épidémie cessa instantanément.
En remontant le fil du temps
En revanche, la piste de Mathilde, impératrice et veuve de l’Empereur Henri V, permet de suivre comment la relique est passée de main en main avant de se fixer à Reading.
D’hier à aujourd’hui, les aventures de la main naturalisée anglaise
« L’an du seigneur 1136, Henri, évêque de Winchester, enleva à l’abbaye de Reading la main de saint Jacques… ».
Le manuscrit du Livre des miracles est recopié au XIIIe siècle, preuve de la présence de pèlerins. Sous le nom de Manus sancti Iacobi cum carne et ossibus (la main de Saint Jacques avec de la chair et des os) il est conservé à la British Library sous la cote MS Egerton 3031. La dernière mention date de 1538, juste avant la dissolution de l’abbaye. Elle fut mise en lieu sûr avec de nombreuses autres reliques par un collaborateur du roi Henry VIII qui écrivit à Thomas Cromwell le 18 septembre 1538 : « J’ai enfermé les reliques derrière le grand autel et je garde la clef et elles sont à votre disposition, Monseigneur ».
De Reading à Marlow
Une épineuse question
Mais les temps changent et, en 1878, le nouvel archevêque de Compostelle, le cardinal Miguel Paya y Rico, autorisa la recherche des ossements de l'apôtre qui se conclut par la reconnaissance du corps de saint Jacques, officialisée en 1884 par la bulle Deus omnipotens du pape Léon XIII.
En 1994, le savant américain Brian Taylor écrivit à nouveau à Compostelle en demandant innocemment « si l'état des ossements identifiés comme étant ceux de l'apôtre était cohérent avec les reliques de Torcello, Liège et Marlow1 ».
1 - The Hand of St James, dans Berkshire Archaeological Journal, n°75, 1994-7, p.100
En réponse une note griffonnée, non signée
- No consta – aucune preuve claire – pour Torcello : nous avons vu de quoi il s’agissait au XIe siècle.
- Parece que no – apparemment pas – pour Marlow » : voir ci-dessus les résultats des recherches récentes.
- Parece que si - apparemment oui - pour Liège.
« Je l’ai vue aussi plus tard, à Compostelle en Galice.
Ces embrouilles des prêtres,
je laisse au jugement de Dieu »
Pour en savoir plus :
Nous avons largement résumés en français et présentés les miracles de Reading sur le site de l’Institut :
https://www.institut-irj.fr/Miracles-de-la-main-de-saint-Jacques-de-Reading_a325.html?com#comments