Le docteur Voysin est chargé d’y enrayer cette maladie à l’aide de l’un de ses médicaments miracles, la Panacée universelle. Il y réussit, grâce aux vertus, entre autres, du Genepy, la plante des montagnes de Savoie, dont il vante les mérites.
« Pendant mon séjour dans cet hôpital, j’y vis arriver deux grands hommes habillés à la grecque, avec des manteaux d’ermites et qui avaient de grandes barbes ; quoique fort âgés, ils avaient un air vénérable et majestueux ; le plus âgé me pria de lui faire la charité de vouloir lui donner l’hospitalité pendant qu’il resterait dans la ville d’Alexandrie (Alessandria) »
Il revenait de Compostelle. Il était assez riche pour voyager « en chaise », conduit par un voiturier et ses chevaux, il accomplissait un vœu fait dans son jeune âge. Ne pouvant plus marcher, il avait commué son vœu :
« Il y avait nombre d’années que, s’étant trouvé en danger sur mer il avait fait vœu que si Dieu, par la protection du grand saint Jacques, le tirait du naufrage, il irait à Saint-Jacques en Galice en pèlerinage ; qu’ayant différé d’accomplir son vœu, il l’avait voulu faire avant de mourir ; qu’il en était de retour, et qu’il avait promis qu’il demanderait l’aumône dans la route, laquelle il distribuerait aux pauvres, que dans les endroits où il y aurait un hôpital, il irait toujours y demander un asile, et qu’il ne logerait jamais au cabaret qu’au préalable on lui eut refusé l’hospice ; c’est pourquoi il me demandait en grâce de vouloir lui donner un lit ».
Charmé, le médecin lui accorde cette faveur et l’invite à dîner, d’autant plus volontiers que le pèlerin se déclare médecin. Le lendemain, en voyant sa fatigue, il propose de l’accueillir quelques jours. Le vieil homme accepte en lui promettant, pour le remercier, de lui confier un secret pour « purifier le sang » et maintenir « les forces et la vigueur de l’homme ». Et le pèlerin sort en annonçant « qu’il allait demander l’aumône par toute la ville »
« Je le suivis de loin, je fus témoin que, l’ayant reçue très abondante d’un grand nombre de personnes, il la distribua dans la grande place d’armes et donna encore du sien ».
« Pour lui tenir compagnie à dîner » le chirurgien invite les cinq chirurgiens-major des régiments stationnant dans la ville.
« Dès qu’on nous eut avertis qu’on avait servi sa soupe, nous nous mimes à table ; & je puis vous assurer en toute vérité que je me suis bien diverti pendant ma vie, & que je me suis trouvé à une infinité de repas où la joie & les plaisirs régnaient, mais qu’ils n’ont jamais égalé ceux que nous eûmes pendant trois heures de temps que dura notre dîner.
En premier lieu il nous entretint sur la médecine de son pays : ensuite il dit
" parlons de quelque chose de plus agréable, & et qui nous fasse rire ".
Je n’ai jamais vu un homme ni si facétieux, ni si bouffon. Il parlait passablement le Français & très bien l’Italien, & l’Espagnol : il contrefaisait ces deux Nations ; il nous chanta des chansons italiennes en contrefaisant la voix des châtrés, avec leurs longs roulements du gosier, & leurs grimaces. Ces Messieurs conjointement avec moi riaient aux larmes, & je puis dire que jamais Molière n’a eu un acteur de sa force ».
« " que diriez-vous, Messieurs, qu’un vieillard de 98 ans fasse le fou de cette sorte ? " »
« " Monsieur, quoique vous ayez une grande barbe blanche, nous ne laissons pas de voir à votre embonpoint, & à votre teint fleuri, que vous n’êtes pas plus âgé que moi, qui suis dans ma 58eannée " »
« " Monsieur, j’ai 62 ans, & je parais plus âgé que vous " ».
« " Messieurs, je ne vous impose point, & je vous dis la vérité. Une preuve que j’ai l’âge que je vous dis ".
Il sortit de son portefeuille son extrait baptistère, par lequel nous vîmes qu’il avait bien l’âge qu’il nous disait. Ils se nommait Abraham Meluiot Mordacai, natif & habitant de la ville d’Athènes.
« " Messieurs, je m’aperçois de votre surprise ; comme vous êtes tous de la profession, si vous voulez vivre longtemps, faites comme j’ai fait, & que je fais encore ; purgez-vous une ou deux fois par mois ; & dès que vous vous tiendrez toujours le corps propre & net, vous vous préserverez de maladie ; ayez aussi le cœur gay & joyeux ; rien de si pernicieux à l’homme que la tristesse " ».
La recette de l'élixir
-« " Messieurs, puisqu’il n’y a point de diminution, ensuite de deux saignées qui ont été faites, & de la tisane pectorale & diaphorétique que je bois copieusement, c’en est fait de moi, je ne reverrai plus jamais la Grèce ; dans quatre jours je suis mort ; & je vous prie de faire venir un confesseur qui soit savant, & bon latiniste ; & demain à la pointe du jour je veux recevoir tous mes sacrements ".
Au 4ejour de sa maladie, étant seul avec lui, il me dit :
- " je mourrai de cette maladie ; profitons du temps qui nous reste pour vous donner ce que je vous ai promis " ».
« Le tenant à la main, il me dit : " Les soins seront inutiles, car demain entre 3 et 4 heures après midi, je ne ferai pas envie ; l’inflammation de ma poitrine est entièrement formée, comme vous voyez, jointe à mon âge de nonante-huit ans ; Vous trouverez dans ce cahier le secret de mon Dépuratif du Sang ; la manière de le composer est si clairement et si distinctement décrite que vous ne sauriez-vous y tromper, de même que toutes ses vertus pour toutes les maladies auxquelles ce remède est propre ; vous verrez aussi ses qualités pour les maladies vénériennes, la goutte, le scorbut, la peste, & les fièvres pestilentielles, malignes, accompagnées de bubons, de charbons et anthrax " ».
Grâce à cet élixir, il mourut en bonne santé.
En ces temps de pandémie, nous avons pensé que tout est bon pour tenter d'enrayer le virus.
Le genépi était connu des moines de la Grande Chartreuse bien avant son utilisation par le docteur Voysin.
La liqueur qu'ils font encore fabriquer aurait-elle un effet préventif contre ce virus ?
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