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Un ouvrage majeur pour comprendre Compostelle
Présentation résumée
Outre l'étude et la transcription, l'ouvrage comprend de nombreuses illustrations : cartes historiques, documents graphiques anciens et actuels des immeubles analysés, photographies. L’ensemble du livre est une présentation inédite de la ville du XVIIe siècle, en plein essor. Elle est située dans son environnement géographique, économique et historique. Elle est minutieusement décrite, la muraille et ses huit portes, les tours, les rues, les places et les monuments les plus emblématiques parmi lesquels la cathédrale (examinée chapelle par chapelle), les monastères bénédictins San Paio de Antealtares, San Martiño Pinario et d’autres. Les monuments civils ne sont pas oubliés. Une attention particulière est portée au Collège de Fonseca (université), dont il énumère les écoliers.
Au XVIIe siècle, une ville transformée par la noblesse
« il est un témoignage unique qui prouve qu'en majeure partie les grandes transformations architecturales entreprises dans la ville en cette première moitié du XVIIe siècle sont dues à la noblesse ».
Le nouveau couvent de Saint-Augustin, la rénovation du chevet de Bonaval, la réforme de la chapelle de Saint-Georges en sont des exemples, parmi des patronages de chapelles, couvents, hôpitaux, monuments funéraires, jusqu’au baldaquin de la cathédrale ou la tour du roi de France et des monuments civils. Le manuscrit fait également découvrir comment s’est développée l’habitude de monumentaliser le patrimoine architectural, par la construction de bâtiments à une plus grande échelle et avec une prestance et un vocabulaire ornemental inédits jusque-là. Signés des armes du donateur, ces ouvrages ont engendré une prolifération d’héraldique sculptée dans la pierre compostellane.
Le Colegio de Sanclemente
Premier grand bâtiment classique de la ville, le Colegio de San Clemente (aujourd’hui Lycée Rosalía de Castro). Sa masse architecturale urbanise préside le plus grand espace public ouvert de la ville, le Campo de Santa Susana (le noyau du grand parc actuel de la Alameda), gigantesque esplanade où avaient lieu les foires les plus importantes de Galice ; les condamnés y étaient exposés sur le pilori ; des courses de chevaux étaient organisées le jour de la fête de l’Apôtre ; la fontaine actuelle date de l'époque de la construction.
Les places entourant la cathédrale
Sur la Place de l’Obradoiro on construit une nouvelle façade au palais archiépiscopal, sur les balcons duquel le prélat, en tant que Seigneur de la ville, devait présider les fêtes et les actes qui s’y déroulaient.
On édifie un nouveau portique pour la cathédrale et les escaliers d’accès actuels, à échelle grandiose et à double volée, dont la fonction était de solenniser l'entrée dans la cathédrale lors des cérémonies en l'honneur des archevêques le jour de leur entrée en possession de leur siège épiscopal.
La Place de la Quintana est pavée. Ses deux niveaux sont reliés par les actuels gigantesques escaliers qui, à l'époque comportaient des terrasses sur les deux flancs, constituant un espace solennel pour recevoir des pèlerins lors des années saintes.
La visite de la cathédrale par les pèlerins
Particulièrement intéressant est l’itinéraire destiné aux pèlerins dans la cathédrale. Ils entraient par la porte de la Azabacheria (reconstruite en cette même époque à la suite d’un incendie). Dans la chapelle des Rois de France, ils entendaient la messe, communiaient et retiraient la compostela. Ils rendaient ensuite hommage à la statue de l’apôtre Jacques sur le maître-autel, objet des très anciens rites de l’accolade et du couronnement
Enfin, ils se rendaient à la chapelle des Reliques où un interprète polyglotte leur expliquait les « trésors » de la cathédrale comme la " dent du Zébédée " (offerte par Geoffroy Cocatrix, bourgeois de Paris, au XIVe siècle) et le " crâne de Jacques Alphée ".« pour [écrivent les Boán] susciter la dévotion des pèlerins et des gens qui viennent lui rendre visite pour le toucher, l’embrasser et poser ses mains sur lui ».
Je ne peux omettre de remarquer que les frères Boàn se croient obligés d’expliquer que
« ni le corps ni même le tombeau ne pouvaient être vus ».
Selon eux, l’archevêque Diego Gelmirez (c.1068-1140) avait muré les portes de la chapelle où reposait saint Jacques « pour que le corps sacré de l'apôtre soit plus en sécurité ». Ils ajoutent cette raison curieuse : « étant moins visité, la dévotion et la vénération des fidèles à son égard grandiraient davantage ». Ils s’inscrivent dans un courant totalement contraire au fait que chaque sanctuaire offrait au contraire à toucher les reliques. On doit remarquer qu’à aucun moment, il n’est question du corps caché en 1576 par peur des Anglais.
L'intérêt de ce document pour le pèlerin d'aujourd'hui
Elle est alors aux mains d’une nouvelle noblesse soucieuse d’afficher sa richesse en marchant sur les traces des nobles des siècles précédents qui avaient déjà entamé la modernisation de la ville. On contemple des bâtiments civils monumentaux, des écoles, des remparts, des lieux festifs. Où sont les pèlerins ?
D’où cette question qui se fait insistante : ne sont-ils pas de simples faire-valoir ? Les auteurs ne disent-ils pas que, « en contemplant la grandeur des bâtiments » les pèlerins touchent au divin ? Il s’agit certes des bâtiments religieux, mais aussi de toutes ces riches demeures dûment estampillées des armoiries de chacun.
Durant tout le Moyen Age, la noblesse s’est déchirée autour de la possession de l’archevêché. Au XVIIe siècle, la paix est faite et tous sont unis pour affirmer la grandeur de la ville-sanctuaire dont ils profitent tous. La Galice est un pays pauvre mais elle possède un sanctuaire dont on a fait l’un des plus grands en Europe. Sa gloire rejaillit sur chacun de ses riches bienfaiteurs.
A y regarder de plus près, on s’aperçoit que les pèlerins sont volontairement cantonnés dans un espace extrêmement bien balisé, tellement figé qu’il est resté le même jusqu’à aujourd’hui. Certes ils sont indispensables, ils sont traités avec égards, mais ils ne doivent pas se mélanger au reste de la population. S’ils sont porteurs de profits, ce sont de profits emblématiques bien plus que financiers et ils restent des étrangers porteurs aussi de contagion et de dangers diffus.
L’ascension de la ville s’est poursuivie pendant tout le XVIIIe siècle avant le grand déclin du XIXe. Dans la ville d’aujourd’hui, cette vision d’hier ne peut que nous pousser, nous pèlerins, à nous aventurer hors des balises qui nous sont assignées pour rencontrer ceux qui vivent encore du pèlerinage… et les autres.
Les jardins de la Alameda nous y invitent
Aurez-vous dans ces jardins l'occasion de rêver aux grandes processions qui parcouraient la Herradura ou de contempler les camélias Saint-Jacques ?
Merci à Elvire Torguet pour ses traductions