Compostelle 813-2013

Une Commémoration nationale


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 27 Juin 2012 modifié le 1 Février 2024
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La légende de Charlemagne, racontée par la Chronique de Turpin, a longtemps été considérée comme véridique et a fait partie des Grandes Chroniques de France. Grâce à elle Compostelle a été connue dans toutes les cours d’Europe. Elle a surtout encouragé la mobilisation des chevaliers francs pour la Reconquista. L’histoire de Charlemagne permet de définir 813 comme date symbolique de la découverte en Galice du tombeau qui est à l’origine du pèlerinage de Compostelle. En 2013, Charlemagne et Compostelle se trouveront réunis par le 1200e anniversaire de cette date symbolique, retenue sur la liste des Commémorations nationales, occasion de prendre la mesure de la dimension politique de Compostelle.



Des célébrations devenues commémorations

La proposition, faite en 2011, de célébrer Céline, écrivain célèbre mais  antisémite, a soulevé un tollé de protestations. Elle a aussi appelé l'attention sur les Célébrations nationales. Que sont donc ces Célébrations, devenues en 2012 Commémorations nationales ?
Elles ont été instituées en 1974 par Maurice Druon, ministre de la Culture. Leur objectif était de marquer chaque année des événements importants de l’histoire nationale propres à éclairer la réflexion contemporaine. Au fil des années, les anniversaires retenus ont dépassé le cadre national pour s’ouvrir à des événements étrangers ou antérieurs à l’histoire nationale au sens strict. Tous sont significatifs, chargés de valeurs exemplaires ou témoins de situations dont la célébration serait déplacée mais dont la commémoration s’impose. Les Célébrations sont donc depuis 2012 des Commémorations. Ainsi en a-t-il été cette année, de l’anniversaire des accords d’Evian.
Depuis 1998, un Haut comité, composé de personnalités éminentes conseille le ministre de la Culture dans la définition des objectifs et des orientations de la politique dans ce domaine. Il lui propose chaque année une liste des anniversaires susceptibles d’être inscrits au titre des célébrations nationales.
En 2013 sera commémoré le 1200e anniversaire de la découverte du tombeau de saint Jacques à Compostelle. Voir ci-dessous le texte de la notice qui sera publiée dans le recueil des Commémorations 2013.

Notice_Compostelle_2013.pdf  (670.53 Ko)


Commémorer Compostelle en 2013 ?

Lorsque Denise Péricard-Méa, responsable scientifique de la Fondation, a été consultée sur l’inscription éventuelle de la découverte du tombeau de saint Jacques à Compostelle sur la liste des Commémorations de l’année 2013, sa première réaction a été ;
-    « Vous voulez rire ? »
Mais non l’interlocuteur était sérieux. Il savait qu’une médiéviste, spécialiste de saint Jacques, ne pouvait qu’être réticente à l'énoncé de cette proposition.Iil voulait la rencontrer pour comprendre ses réserves et trouver des arguments lui permettant de proposer cette inscription au Haut comité. La première objection vient de l’histoire elle-même. Il n’y a pas de tombeau de saint Jacques à Compostelle mais un mémorial, comme l'a dit le pape Jean Paul II en 1982. Les pèlerins contemporains ont déjà trop tendance à croire à l'existence de ce tombeau, inutile de leur donner de nouveaux arguments. Les seules mentions historiques de saint Jacques sont celles de l’appel qu’il reçut de Jésus, avec son frère Jean, alors qu’il pêchait en Galilée et de son martyre à Jérusalem rapporté par les Actes des apôtres. Après sa résurrection, Jésus demande à ses apôtres d’aller porter la bonne Nouvelle « aux extrémités de la terre » . Par qui l’Espagne a-t-elle été évangélisée ? Rien ne le dit de façon certaine. Mais, en Espagne, à partir du VIIe siècle des textes l’attribuent à Jacques le Majeur. Au-delà, aucun document digne de foi, des « histoires de nourrices » dit l’archevêque de Tolède en 1215, dans une controverse avec celui de Compostelle à l'occasion du 4e concile de Latran
Saint Jacques partant pour l'évangélisation (Sallanches-Savoie)

Pourquoi retenir 813 ?

Le songe de Charlemagne
Mais les légendes font aussi partie de l’histoire et celles de Compostelle sont liées à l’histoire de France. Voila un argument qui méritait d’être retenu. Mais alors, s’il n’y a que légende, pourquoi 813 ? La réponse est simple : parce que Charlemagne est mort en 814, ce que les Chroniques rapportent de façon certaine. « Et alors ? » pensez-vous sans doute. La réponse à cette interrogation est donnée par la Chronique de Turpin qui a fait partie des Grandes Chroniques de France, donc de notre histoire officielle, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, époque à laquelle elle fut reconnue comme légendaire. Et où trouve-t-on l’écrit de ce Turpin ? Dans le Codex calixtinus, manuscrit du XIIe siècle conservé jusqu'à son vol en 2011 dans la bibliothèque de la cathédrale de Compostelle et dans plus de 200 manuscrits antérieurs. On y apprend que Charlemagne, appelé par saint Jacques, est venu délivrer son tombeau tombé aux mains des Sarrasins. La découverte d'un tombeau ne peut donc être postérieure à 813. Date symbolique, mais plausible par ailleurs, qui la rattache à notre histoire.
L'année 2013 pouvait donc commémorer le 1200e anniversaire de la découverte d'un tombeau à Compostelle, sachant qu'il s'agit d'une légende qui, depuis 12 siècles, a influencé l'histoire de l'Europe.

Voir site du ministère de la Culture

La dimension politique de Compostelle

Commémorer cet anniversaire symbolique, c'est mettre l'accent sur la dimension politique de l'histoire de Compostelle plus que sur sa dimension religieuse. C'est reconnaître le rôle de Compostelle comme foyer spirituel de la Reconquista.
La première bataille, opposant le royaume chrétien des Asturies aux musulmans Ommeyades, fut Covadonga en 722. Mais la légende qui a durablement marqué les esprits est celle de la bataille de Clavijo en 844. C'est dans la plaine de Clavijo, au pied de l'imposante forteresse, que saint Jacques serait apparu aux côtés des troupes chrétiennes. Alors qu'à Covadonga les chrétiens avaient invoqué la Vierge, c'est avec l'aide de saint Jacques qu'ils sont victorieux à Clavijo. C'est là que nait la figure du Matamore, exploitée à partir du XVe siècle à la gloire de l'Ordre de Santiago qui n'a plus alors de raison d'être en dehors de commémorer des hauts faits réels ou imaginaires.

Une publicité réussie

Deux utilisations politiques contemporaines du sanctuaire ont donné à Compostelle une renommée mondiale.
La première est due à Franco, le Galicien, qui a trasformé le Matamoros en Matarojos dans sa lutte contre les Républicains et favorisé la recherche sur Compostelle pour en promouvoir la fréquentation.
La seconde est celle du Conseil de l'Europe qui, en 1987, a fait des chemins de Compostelle le premier Itinéraire Culturel Européen, ouvrant la voie à leur inscription injustifiée sur la liste du Patrimoine mondial.
2013 célébrera donc les 1200 ans d'une découverte symbolique qui a donné lieu à une campagne publicitaire séculaire particulièrement réussie.

Compostelle répond à un besoin de société

Quelles que soient les raisons qui ont fait connaître Compostelle dans le dernier quart du XXe siècle, ce pèlerinage répond à un besoin de la société contemporaine. Le nombre croissant de ceux qui s'y pressent en est la preuve. La plupart sont ignorants de l'histoire qui les a conduits sur ces chemins mythiques et ne cherchent pas à la connaître, se contentant du discours convenu de leurs associations inlassablement reproduit par les médias, en particulier la presse catholique qui se croit sans doute gardienne d'une fausse tradition de l'Eglise.

Un autre anniversaire en 2013

2013 marquera aussi le 50e anniversaire de la première chevauchée vers Compostelle à laquelle participa René de La Coste-Messelière, alors secrétaire de la société des amis de Saint-Jacques et plus tard promoteur des chemins auprès du Conseil de l'Europe.
Personne n’a jamais évalué les conséquences de cette chevauchée de 1963. Les recherches en cours à la Fondation nous permettront de les préciser dans un prochain article.