Comment saint Jacques fut enterré en Espagne, étape 90


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 4 Janvier 2021 modifié le 23 Février 2021
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Petit miracle de saint Jacques, il se trouve que, pour cette 90e lettre et 1e lettre de l’année 2021, mon intention était de répondre à certains pèlerins curieux de savoir comment saint Jacques qui, selon la Bible a été décapité à Jérusalem, s’est retrouvé enterré à Compostelle.
Et voilà qu’une image, permettant d'éclairer ce sujet nous est offerte par une correspondante très érudite, Ghyslaine H..



PÈLERINER RE-DÉ-CONFINÉS  
Etape n°90

Une scène de la vie de Saint Jacques rare en Europe en dehors de l'Espagne

En feuilletant le « Livre d’Heures de la reine Claude de France », Ghyslaine H. s’est interrogée sur le folio 30 consacré à saint Jacques.

Ayant des difficultés à interpréter cette enluminure, Ghyslaine H., qui n’est pas pèlerine, a cherché sur Internet et est tombée sur un de nos articles publié récemment « Une représentation exceptionnelle de la Translation de saint Jacques ». Voir ici.

Elle nous a très gentiment envoyé la référence de sa trouvaille, que nous ne connaissions pas, entrant ainsi dans notre communauté de chercheurs.

Joli cadeau, reçu le 1er janvier, cette image s'ajoute à la lecture de cet article qui présente une des légendes de l’arrivée de saint Jacques à Compostelle (voir aussi lettre n°15 et la lettre 52 qui donne une suite à l’histoire de la reine Louve).
 

 



On y voit une scène qui, pour un latiniste un peu averti, parle de « saint Jacques, Lumière et Gloire de l’Espagne ». Si on est pèlerin de Compostelle, on « voit » un corps allongé dans un cercueil (c’est bien un mort, il est dans un suaire) tiré par des bœufs conduits par trois hommes.

 

Cette image du « Livre d’Heures » (folio 30) montre donc clairement les bœufs domptés reprenant le chemin du château de la reine Louve. Toute la légende est consignée dans le Livre III du Codex Calixtinus. Elle se termine ainsi :
 

... «  et s’avançant tout droit ils entrent dans le palais de la femme avec leurs bœufs domptés. Stupéfaite, celle-ci reconnut les miracles admirables qui avaient été accomplis et, poussée par ces trois signes incontestables, accéda à leur demande. Devenue soumise après avoir été impudente, elle leur remit sa petite maison ; régénérée par la foi en la sainte Trinité, elle devint avec sa famille une croyante dans le nom du Christ. Ainsi remplie du dogme de la foi sous l’inspiration de Dieu, elle, qui, sous l’empire d’une erreur fantastique, avait manifesté son pouvoir, s’humilia ; elle brisa et foula aux pieds les idoles, et détruisit les temples qui avaient été fondés sous son autorité.

Une fois les idoles renversées et réduites sur-le-champ en poussière, elle fit édifier sur la hauteur, creusé dans le sol, un sépulcre en pierre admirable, où le corps de l’apôtre fut déposé dans toutes les règles de l’art. Elle fit bâtir en ce même lieu une église de grande dimension qui, ornée d’un autel divin, annonça l’heureuse arrivée au peuple dévot ». 

Sur le folio suivant du « Livre d’Heures », cette scène de l’enterrement est peinte minutieusement, avec l’église en arrière-plan, le clergé portant la croix et la mise en terre de saint Jacques.
 



La Tradition, qui perdure encore aujourd’hui, veut que cette fête soit commémorée le 30 décembre.
Tout cela n’est que légende, direz-vous. C’est exact et c’est ainsi pour tenter d’expliquer l’incompréhensible. A partir du IXe siècle, dès le moment de la découverte du tombeau, les chanoines de Compostelle se sont préoccupés d’expliquer cette présence anormale. Comme beaucoup de leurs semblables, ils ont construit cette belle histoire bâtie autour d’une série de miracles.



 

Le « Livre d’Heures de Claude de France »

Ce livre de prières est un joyau minuscule qui tient dans une main ; il mesure 7cm.x 5. Il compte 104 folios (pages), peint de 132 miniatures d’une précision extraordinaire. On pense qu’il a été réalisé à l’occasion du couronnement de la reine Claude de France (1499-1524), fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, jeune épouse de François Ier, en 1515. L’auteur anonyme est connu sous le nom de « maître de Claude de France », actif à Tours pendant les années 1500-1525 et, semble-t-il, élève du célèbre enlumineur tourangeau, Jean Bourdichon.
 
On ignore l'histoire de ce bijou, les manuscrits de femmes n’étant pas conservés dans les collections nationales mais dispersés au gré des ventes. Il a fait partie de la collection du marchand autrichien Hans P. Kraus (1907-1988) puis il a été acheté en 1970 par le marchand d’art Alexandre Paul Rosenberg et enfin sa veuve l’a offert en sa mémoire, en 2008, à la Pierpont Morgan Library à New-York où il est conservé sous la cote Ms M.1166.

Voici le lien vers les folios 29 et 30 du manuscrit. Les deux pages relatives à Saint Jacques ne sont pas en vis à vis.

https://www.themorgan.org/collection/Prayer-Book-of-Claude-de-France/30

Transport du corps de Saint Jacques vers la reine Louve
 
En Europe, hors de l'Espagne, je ne connais que trois représentations du transport du corps de Saint Jacques par les taureaux domptés de la reine Louve. Deux ont été présentées dans cet article. Le troisième ci-contre est un détail du frontispice du cartulaire de l'hôpital Saint-Jacques de Tournai, bibliothèque municipale, (Ms 1 fol. 27). Le quatrième d'origine flamande est au musée d'Indianapolis.


Merci aux lecteurs qui, comme Ghyslaine, m'en indiqueraient d'autres.

 

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