Un patrimoine matériel dénaturé
Les inscriptions au Patrimoine mondial du Camino francés et des chemins de Compostelle en France se sont trop attachées au patrimoine matériel, dans son aspect le moins bien défini, les chemins eux-mêmes.
Oubliant la destination initiale du patrimoine jacquaire immobilier, les promoteurs des chemins l'ont dénaturé en le réduisant au rôle de jalons sur les chemins. René de La Coste-Messelière, qui avait rejoint la Société française des amis de saint Jacques quelques années après sa création et en était devenu président fut l'un des plus actifs d'entre eux en France et en Europe. N'a-t-il pas dit de la tour Saint-Jacques à Paris, ancien clocher d'une église, sanctuaire de pèlerinage à saint Jacques, qu'elle était " la plus haute borne sur les chemins de Saint-Jacques " ? Il fit d’ailleurs offrir par l’Espagne à la ville de Paris une plaque de marbre qui officialise cette affirmation en des termes que les historiens n’ont jamais pu prouver.
Cette façon de considérer le patrimoine hérité des cultes à saint Jacques a fortement influencé le Conseil de l'Europe, saisi d'une demande espagnole d'une action en faveur des chemins de Compostelle. Elle a conduit à définir les chemins de Compostelle comme premier Itinéraire culturel europén puis à les inscrire au Patrimoine mondial.
Le véritable patrimoine commun est immatériel
Le pèlerinage existe sous des formes différentes dans toutes les civilisations. Cette reconnaissance serait conforme au critère III de l’UNESCO, qui, curieusement, n’a pas été pris en considération par les dossiers d'inscription du Camino francés et des chemins en France, ni proposé par les experts de l’ICOMOS qui ont examiné ces dossiers :
« Apporter un témoignage exceptionnel sur une tradition culturelle »
Il est temps de prendre en considération ce critère qui s'applique à merveille aux pèlerinages. Selon le voeu exprimé par le Conseil de l'Europe en 1987, les chemins de Compostelle en Europe seraient pris en exemple, de cette tradition pèlerine présente dans toutes les cultures. Ils le seraient non pas sous leur aspect géographique mais en considérant leur dimension spirituelle et l'apport de la démarche pèlerine au mieux vivre ensemble dont l'Europe et le monde ont besoin. Le pèlerinage contemporain à Compostelle, aujourd'hui mondialement connu, deviendrait l'archétype de cette démarche. Le balisage et l'entretien de chemins permettant de pratiquer des pèlerinages sur les sites traditionnels de tous les pays seraient un facteur de développement économique. Et plus profondément, l'information et le partage sur les valeurs vécues dans ces pèlerinage seraient une source d'enrichissement.
Des signes existent permettant d'imaginer que cette utopie peut un jour devenir réalité. Les " Compostelle " canadien, sarde ou japonais ne sont-ils pas des prémices que l'UNESCO serait avisée de récolter ?