Charles Pichon, un journaliste engagé pour Compostelle
Homme de foi, il s'est efforcé de faire admettre que les pèlerinages étaient des facteurs de paix et de compréhension. Par son intermédiaire, le sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle a été utilisé à plusieurs reprises comme lien entre la France et l'Espagne à des époques difficiles pendant lesquelles les autres relations étaient coupées.
Un pèlerinage sous tension
En 1938, Charles Pichon, journaliste à l’Echo de Paris, obtient des autorités françaises l’autorisation d’organiser un pèlerinage à Compostelle, sous la condition expresse que les pèlerins s’abstiennent en Espagne de toute activité politique. Trois cent participants répartis dans sept autocars sont accompagnés par les autorités espagnoles et les dirigeants du tourisme. Vingt-cinq ans après, Charles Pichon raconte dans un bulletin associatif :
C’était l’été 1938. La guerre civile sévissait alors en Espagne, mais son issue ne faisait pas de doute pour ceux qui jetaient sur la carte des opérations un œil clair. Et parmi eux, les hispanisants, les amis de l’Espagne, se posaient des questions sur l’avenir des relations franco-espagnoles au lendemain de la décision militaire… se détache soudain un nom prestigieux, auréolé de la brume dorée des plus anciennes histoires, Compostelle !
Peu avant sa mort, il avait écrit le texte d’une allocution qu’il devait prononcer au Centre d’Etudes et de recherches Ibéro-américaines (texte paru dans la revue Compostelle, n° 10, 2ème trim. 1962)
Un enthousiasme révélateur
Voici donc un quart de siècle que nous avons rouvert le camino francés ! Il y avait bien deux cent ans que les Français avaient déserté, du moins en groupe, ce chemin qu’ils avaient créé et doté de leur nom. Nous parcourûmes ainsi ce que j’appellerai le triomphe français, de la frontière à Santiago. Ceux qui n’y étaient jamais venus s’y sentaient naturellement chez eux. Il y a dans cette ville presque entièrement celte un air de famille qui s’empare aussitôt du Français. Un peu de science lui fait connaître les archevêques de jadis qui furent ses compatriotes. S’il approfondit encore les fouilles des constructions de Gelmirez, comme on l’a fait depuis quelques années, il touche du doigt, avec certitude, le tombeau de l’Apôtre qui mangea et but avec le Christ ressuscité. Enfin, il peut nourrir une humble mais solide fierté de continuer l’œuvre de la Nation et de l’Abbaye qui, délibérément, créèrent et entretinrent le chemin.
Et il était bien vrai que les Français revenus dans le millénaire chemin français, tout rentrait dans l’ordre… Nous n’avons pas laissé chaque année, par invitations et pèlerinages, de faire revivre la fraternité chrétienne de l’Espagne et de la France dans cet axe privilégié. Nos hôtes d’honneur se sont appelés par exemple, à Santiago, le cardinal Feltin*, Monseigneur Blanchet*, Monseigneur Veuillot*** ou les dirigeants de la ville de Paris, et à Paris, l’archevêque Quiroga ou les alcades de Santiago. Bientôt même il ne sera plus nécessaire de faire des invitations : le chemin est à nouveau frayé, foulé, vivant et joyeux.
* archevêque de Paris, président de Pax Christi,
**recteur de l'Institut Catholique de Paris,
***coadjuteur du cardial Feltin puis archevêque de Paris.
Le rôle éminent de Charles Pichon,
Dès 1938, Charles Pichon a oeuvré pour que saint Jacques ne soit pas réduit au rôle de " tueur de Rouges ", porte étendard de Franco. Pour lui, il a toujours été le saint pèlerin ouvrant l'Espagne sur l'Europe.
Il est l'un des Français qui ont parfois devancé puis fortement aidé l'Espagne à ouvrir les chemins de Compostelle contemporains. Sans eux, l'Europe n'aurait pas construit Compostelle comme elle l'a fait en 1987. Leurs successeurs, furent moins inspirés en faisant inscrire les chemins de Compostelle en France au Patrimoine mondial en 1998 sans en respecter l'histoire.
Une gestion trop exclusivement centrée sur des bâtiments et une protection parfois illusoire a conduit certains à perdre leur âme (dolmen de Pech Laglaire) ou leur utilité (pont d'Artigue).
Négliger l'histoire, refuser de transmettre aux jeunes générations dans les écoles et les collèges une vision respectueuse du patrimoine dans toutes ses dimensions va à l'encontre du but culturel recherché.
A la Peňa de Francia
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