Charlemagne sur le camino francés, étape n° 49


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 5 Mai 2020 modifié le 6 Mai 2020
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Charlemagne est un personnage central de l'histoire de la France. Son histoire intègre la légende de la délivrance du tombeau de saint Jacques en Galice, racontée par la Chronique de Turpin, dont de nombreux manuscrits subsistent dans toute l'Europe. Considérée comme véridique, elle a été intégrée par Saint Louis dans l'Histoire officielle de la France.
La mémoire du chemin parcouru par Charlemagne, Roland et ses preux reste vivante. Des traces concrètes se lisent encore aujourd’hui, de Roncevaux jusqu’à l’Océan.



Charlemagne modèle pour les souverains

Sceptre des rois de France, dit de Charles V


Le rêve de reconstruire l’unité du royaume de France a été celui de tous les souverains.



En 1380, le nouveau sceptre des rois de France porte en son sommet une statuette de Charlemagne et, sur le nœud de ce sceptre figurent trois scènes décrites dans cette Chronique.


Au col d'Ibaneta

Au col d'Ibaneta, la chapelle et la croix de Charlemagne (1965)

La Chronique de Turpin ne commençant qu’à Pampelune, c’est le Guide du pèlerin qui ouvre la route : « Le sommet porte en un point le nom de Croix de Charles, parce que, [ ... ] Charlemagne, entrant en Espagne avec ses troupes, y bâtit une route en commençant par dresser la croix du Seigneur ».

A la croix a succédé  le premier hôpital de Roncevaux et une chapelle remplacée en 1965.

Tous les autres souvenirs de Roland à Roncevaux seront traités au retour de l’armée.

Ensuite, Charlemagne a assiégé Pampelune pendant trois ans. Après ce temps, lui revient en mémoire la promesse que lui avait faite saint Jacques de l’aider en toutes circonstances.

« Ô bienheureux saint Jacques, s’il est vrai que tu m’es apparu, accorde-moi de prendre Pampelune ».

Et les murailles sont tombées.


Estella. Roland et Ferragut

Début et fin du combat sur un chapiteau à Estella

Sur un pilier de la façade  du Palais des rois de Navarre, (XIIIe siècle), un chapiteau représente le combat de deux chevaliers.  Ce sont Roland et Ferragut, identifiés par ces inscriptions taillées à côté de chacun des personnages : Ferajgut /Rollan

Ces deux faces du chapiteau illustrent deux phases du combat. Au début les protagonistes sont à cheval l'autre face , à droite montre que le combat s'est terminé à pied. Le récit du combat est présenté sur le lieu présumé de son déroulement, près de Najera.


Villa Mayor de Monjardin. La mort de Fourré prince navarrais

La colline de Monjardin; Au premier plan une fontaine, au bord du Camino

La colline est encore couronnée des ruines du château de San Esteban, ancienne forteresse musulmane.

« on annonça à Charles que, près de Montjardin, un prince navarrais du nom de Fourré voulait combattre contre lui. Le soir avant la bataille, Charles demanda au Seigneur de lui montrer par un signe ceux des siens qui périraient dans ce combat. Un signe rouge en forme de croix apparut sur les épaules de ceux qui devaient mourir. Voyant cela, Charlemagne les cacha tous dans son oratoire pour les soustraire à la mort. Mais que les jugements de Dieu sont incompréhensibles et ses voies impénétrables ! Après la bataille, au cours de laquelle Fourré périt avec trois mille Navarrais, Charles trouva morts ceux qu’il avait cru garder de tout péril. Ensuite il s’empara du château de Montjardin et de tout le pays de Navarre ».


Navarette

Porte d'entrée du cimetière de Navarette

On retrouve la scène du combat entre Roland et Ferragut sur le portail du cimetière, ultime souvenir, heureusement conservé, de l’hôpital roman de Saint-Jean-d’Acre.

La croix qui surmonte le portail est posée sur un chapiteau qui représente cette même scène, plus difficile à voir car en hauteur.

Qui pourra nous aider ?
Nous n'avons pas de photo de ce chapiteau, faute d'attention à cette scène lors de notre passage. Si d'aventure un pèlerin avait fait cette photo du temps où il n'était pas confiné, il serait bien aimable de nous la faire parvenir pour la galerie en cours de construction. Merci d'avance !  


Le Poyo de Roldan

La Chronique de Turpin situe le combat, peu avant Najera, sur cette colline dite Poyo de Roldan, « Pas de Roland » ou « colline de Roland » où se trouvait le château de Ferragut.
Elle relate ce combat en quatre pages résumées ci-dessous. Cette relation montre que les chapiteaux d'Estella représentent le début du combat, à cheval et sa fin.
Le Poyo de Roldan

Résumé du récit du combat de Roland et Ferragut

Résumé de quatre pages de la Chronique de Turpin :

Un géant haut de cinq mètres nommé Ferragu, descendant de Goliath, arrive à Najera avec vingt mille Turcs, pour combattre Charlemagne. Il demande un combat singulier. Charles accepte et envoie successivement un chevalier (défait instantanément), puis deux ensemble (idem), puis vingt (idem). Il s’avoue vaincu.

Alors Roland s’avance. Aussitôt enlevé par Ferragu et mis devant lui sur son cheval, Roland le désarçonne et coupe en deux le cheval de son adversaire d’un coup d’épée. Roland frappe au bras, Ferragu lâche l’épée mais tue le cheval de Roland d’un coup de poing. Sans épée et à pied, les deux hommes combattent pendant neuf heures avant de s’accorder une trêve d’une nuit, suivie d’un combat qui dure tout le lendemain.
Ferragu demande une autre trêve pour dormir. Roland, gentiment, lui place une pierre sous la tête en guise d’oreiller et les deux hommes bavardent, se lançant dans une grande discussion sur les mérites comparés de leus deux religions. Mais Ferragu commet l’imprudence de confier que seul son nombril est vulnérable. Et bien sûr, lorsque la bataille reprit, toujours à pied. Roland réussit à planter son épée là où il le fallait et Ferragu mourut. 

Le texte se conclut : « C’est ainsi que tomba le géant, que la ville et la forteresse furent prises et que les prisonniers furent délivrés ».


Sahagun, la légende des lances fleuries

Sahagun, le long du Cea, la prairie des lances fleuries

La Chronique de Turpin continue : à Sahagun, Charlemagne affronte cette fois Aigoland, le roi sarrasin. Sur les rives du Cea, Aigoland propose un combat singulier à « un contre un, ou deux contre deux, ou vingt contre vingt, ou quarante contre quarante, ou cent contre cent, ou mille contre mille, ou deux mille contre deux mille ». Successivement, chaque combat donne la victoire aux chrétiens mais Aigoland ne veut pas s’avouer battu. Une dernière grande bataille se prépare, avant laquelle eut lieu le « miracle des lances fleuries ».

Le soir avant le jour de la bataille, quelques chrétiens fichèrent leurs lances en terre devant le camp, dans la prairie au bord de la rivière Cea. Le matin, les lances de ceux qui devaient mourir étaient couvertes d’écorce et de feuillage. Ils les coupèrent presque à ras de terre, et les racines devinrent de grands arbres qu’on peut voir encore en cet endroit.


Près d’Astorga, Lucerna, la ville engloutie

Miniature représentant le siège de Lucerne

L’armée de Charlemagne, toujours victorieuse, arrive près d’Astorga et butte sur la ville de Lucerna qui refuse de se rendre. Comme à Pampelune, il prie saint Jacques et, dit la Chronique,

« les murs de celle-ci tombèrent et elle demeura inhabitable jusqu’à nos jours. En effet un flot d’eau noire surgit au milieu d’elle dans laquelle nageaient de grands poissons noirs ».


Lucerne aujour'hui ?

Le lac de Carucedo (cl.J-C P.)

Difficile de localiser une ville engloutie, mais pas impossible. Il existe encore aujourd’hui un lieu qui fut transformé par les Romains pour y exploiter des mines d’or, Las Medulas. Un paysage extraordinaire marqué pour l’éternité. L’actuel lac de Carucedo y a été creusé comme réserve d’eau pour l’extraction et le lavage de l’or. Il est fort possible qu’il ait nécessité, comme tant de lacs de barrage, de submerger un village. D’où l’idée d’y localiser la ville engloutie de Lucerna. Le lieu s’y prête, triste à souhait un jour de pluie. On dit qu’on aperçoit la ville le matin de la Saint-Jean, au soleil levant.
Continuant sa route, Charlemagne libère le tombeau et « ensuite, après avoir rendu visite au tombeau du bienheureux Jacques, Charles alla sans rencontrer de résistance jusqu’à El Padrón et planta sa lance dans la mer ». A Padrón, nous y serons dans quelques jours.

Victorieux il rentre, mais tout se gâte à Roncevaux.


Roncevaux la trahison de Ganelon et la mort de Roland

Les souvenirs sont nombreux et très connus, le rocher de Roland au col d’Ibañeta perché sur un socle bétonné et auprès duquel il faut avoir beaucoup d’imagination pour voir Roland agoniser là « sous un arbre, auprès d’une pierre de marbre ». De multiples plaques à Roncevaux.

Moins connue est la chapelle du Saint-Esprit, du XIIe siècle, dite « Silo de Charlemagne », chapelle funéraire qui servit de sépulture aux douze pairs de Charlemagne, dont Roland et des centaines d’autres héros. Si on se donne la peine d’y entrer on voit encore leurs crânes… dans ce qui fut un ossuaire. Le monastère, dans un texte du XIIe siècle, se dit, d’une manière tout à fait extraordinaire, ouvert à tous « sains et malades, non seulement aux catholiques, mais aussi, je vous assure, aux païens, aux juifs, aux hérétiques, aux indifférents, aux méchants, en deux mots aux bons et aux impies.

 


L'échiquier de Charlemagne
Autre souvenir, au musée qui mérite une vraie visite, le jeu d’échecs sur lequel jouait Charlemagne avec Ganelon au moment de l’appel de Roland. On a tellement besoin de supports concrets que ce soi-disant jeu est un magnifique reliquaire.



Demain, je présenterai un retable caché dans une église du Camino francés.