1963, Et la chevauchée devint un pèlerinage franco-espagnol, étape n° 74


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 29 Aout 2020 modifié le 23 Janvier 2021
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Au passage du Somport, la chevauchée d'Henri, complétée de quatre offficiers espagnols changea de nature en devenant pèlerinage. La promotion du tourisme équestre n'avait pas de sens en Espagne. Henri promit de revenir en 1965.
Quel lecteur saura deviner comment la promesse qu’Henri fît à Burgos, a trouvé son accomplissement par la pose d’une plaque de marbre en plein centre de Paris ?



PÈLERINER dé-CONFINÉS
Avec Denise Péricard-Méa et les Constellations Saint-Jacques
Etape n°74
Décision du 25 août 2020
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Henri Roque et Compostelle

Henri Roque, l'Homme cheval, joyeux en selle et bon vivant

Le choix de Compostelle comme but de la chevauchée, ne fut ni anodin ni réfléchi. Il jaillit spontanément d'un esprit, nourri par l'imaginaire entourant le pèlerinage galicien depuis le XIXe siècle. Henri raconte :

« Marc Ambroise-Rendu, grand reporter à Constellation me demande : " et maintenant, où allez-vous aller ? " Je lui réponds " à Compostelle " ».
« Cet antique chemin de Saint-Jacques, on me l'a montré en 1961 dans les Cévennes. A Chambonas tu as le pont construit au Moyen Age par les moines de Saint-Gilles pour les pèlerins de Compostelle. Tu devrais y aller ».

Mais il ajoute :

« Moi, je ne savais pas en 1961 où se trouvait Compostelle ».

Au retour, il est bien conscient de l'importance de sa chevauchée :

Les cinq cavaliers que je guidais, en mai et juin 1963, sur le chemin de Saint-Jacques, ont sûrement fait beaucoup pour la popularité du tombeau de l'Apôtre


Comment le comte se joignit à la chevauchée.

Et Henri continue :

« Jean-Pierre et Marc découvrirent à Paris, une « Société des amis de Saint-Jacques ». Ils y firent connaissance avec René de La Coste-Messelière, le secrétaire de cette société ; un cavalier civil et militaire, connaissant bien les chemins de Saint-Jacques. Il me demanda de l'emmener à Compostelle. Après une chevauchée d'essai à Eygalières, en février 1963, il devint notre compagnon de voyage. Et René,  hispanisant et érudit, nous a tout appris sur ce chemin merveilleux.

Henri s'est réjoui de la venue de René. Ces deux cavaliers avaient beaucoup de points communs, à commencer par un fort tempérament et la même tendance à occuper seul le devant de la scène. Ils partageaient le même intérêt pour Compostelle. René en avait une connaissance érudite acquise en Espagne, Henri avait la connaissance populaire nourrie par l'imaginaire hérité du XIXe siècle.  En dehors de la pratique équestre, les deux pouvaient avoir un comportement " cavalier " lorsque leur confort ou leur intérêt était en jeu. Leur commun intérêt pour la joie communicative des bons repas et des grands galops dans la nature et le respect admiratif qu'ils avaient l'un pour l'autre firent que leurs relations restèrent courtoises malgré les coups de gueule de l'un et les bouderies de l'autre dont furent témoins leurs compagnons.

Le plus long raid hippique depuis un demi-siècle
LA CHEVAUCHEE DE COMPOSTELLE

Du 22 mai 30 juin 1963, cinq cavaliers français tenteront d'accomplir le plus long raid hippique sans doute réalisé depuis le début du siècle. ... La chevauchée sera conduite par Henri Roque, 41 ans, l'un des plus ardents promoteurs du tourisme à cheval.

Le magazine Marie-Claire envoya Christine de Rivoyre, en reportage sur les premières étapes dont je parlerai plus tard. Pour le moment entrons en Espagne avec Henri, René.

Au Somport, Henri Roque et le général Nogueras

« L’entrée d’Espagne »

Ce titre de la Chanson de geste du XIVe siècle racontant l’expédition légendaire de Charlemagne en Espagne montre qu'au passage des Pyrénées les cavaliers entrent dans un monde nouveau. Ils deviennent des héros, les chevaliers de l’armée de l’empereur, la réincarnation de tous les pèlerins du temps passé.
A la frontière, Henri est fier de l'accueil par le général Joaquin Nogueras, Jefe de la Cria Cabalar, le chef de la remonte de la cavalerie, le patron de tous les chevaux militaires en Espagne.
Il est venu en personne nous accueillir, ceint de son écharpe rouge, venu exprès de Madrid pour nous saluer. Il me présente quatre officiers de l’école d'application de cavalerie de Madrid, volontaires pour nous accompagner à Santiago.

Un pèlerinage au service du tourisme

Ni René, ni Henri ne savaient que la chevauchée tombait à point pour faire la publicité de la politique en faveur de Compostelle voulue par Franco. De grands projets voyaient le jour pour préparer l’année sainte 1965, initiés par le jeune ministre du Tourisme, le Galicien Fraga Iribarne, futur gouverneur de la Galice autonome. Entraient dans ses plans la construction de l’aéroport de Santiago, la réfection de points névralgiques de la chaussée, la réouverture de chemins disparus, la restauration de ponts, le rachat d’anciens hôpitaux qui tombaient en ruines, l’ouverture ou la rénovation de musées du pèlerinage, la pose de bornes au long des routes et de panneaux à l’entrée des villages, le tout marqué de la coquille et de la mention Camino francés, etc.  

Le plus souvent les cavaliers furent accueillis par des foules joyeuses qui les applaudissait et reçus chaleureusement par les autorités. Des sources extérieures ont permis de savoir que parfois ces accueils ne furent pas spontanés mais fortement encouragés. Et là où les accueils furent moins riches, la presse locale ne manqua pas de les embellir.
Henri se réjouit de toutes les manifestations de sympathie et des rencontres officielles. Marc et Jean-Pierre le mirent en garde devant l'appui qu'ils apportaient ainsi au régime mais il n'en eut cure.

Hier, à Estella, c'était la réception un peu guindée des bourgeois, la Navarre intellectuelle qui nous accueillait. Aujourd'hui, à Viana, en ce jour de la Fête-Dieu, c'est la chaleur paysanne, tout le petit peuple qui nous reçoit joyeusement avec son coeur. Viva Navarra ! Viva De jeunes hommes montés sur leurs mules viennent à notre rencontre. Leurs bâts sont chargés de botas remplis de vin généreux, le célèbre vino tinto de Rioja, que nous buvons bien volontiers, comme eux, à la régalade.
Dans les journaux, nous occupons 3 à 4 colonnes à la une, parfois une page complète.

El bordon del Peregrino

A Viana la construction d'un hôtel est accélérée pour les recevoir.
El Bordon del Pelegrino a été construit en trente jours pour nous accueillir. C'est le premier élément d'un complexe hôtelier. Aujourd'hui, c'est une maison en pierres avec une écurie pour nos chevaux, une grande chambre où l'on a installé des lits neufs avec des draps et des couvertures pour le repos des pèlerins. A côté de ce dortoir, une vaste salle des festins avec une immense cheminée.
Pendant que nous cheminions avec nos muletiers d'escorte, nous étions doublés par des dizaines de cars remplis à craquer. Ils portaient autant de monde sur le toit qu'à l'intérieur. Tous ces braves gens de Viana nous précédaient à El Bordon pour nous faire fête.

Et pendant le repas ...
dehors, la foule chante et les Navarrais avec leur béret rouge de Carlistes attendent, leur fusil sur l'épaule.  ... 
Viana, l'apothéose, dans ce parador en construction que nous la trouverons, dans ce bivouac avec les requetés qui mangent, boivent et chantent avec nous. La Navarre et la France ont tant de liens communs. Nous avons besoin de connaître ce pays qui nous aime tant 

L'exaltation de cette fête populaire, fut suivie par d'autres accueils - peut-être moins arrosés ? - puis vinrent la promesse de Burgos et enfin la gloire et les honneurs à l'arrivée à Compostelle.
L'arrrivée des pèlerins à Compostelle. Henri Rpque est au premier plan à gauche

A Compostelle

Henri Roque lit la prière d'offrande des pèlerins français