1620, Pèlerins vecteurs de la peste, étape n° 8


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 26 Mars 2020 modifié le 1 Avril 2020
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Au XVIe siècle, au long du camino francés où les pèlerins se font de plus en plus nombreux, la peste s’en donne à cœur joie. Elle s’installe en Galice. Tout au long des XVIe et XVIIe siècles, la coutume d’envoyer des pèlerins français à Compostelle a perduré, au grand dam des autorités qui tentent de prendre des mesures.
L’image ci-dessous, du XIVe siècle, étonnamment colorée, donne une idée de l’afflux des cercueils face à l’unique terrassier.



Peste Noire, enterrement des morts G. Li Muisis (1272-1352)
Durant l’hiver 1517-1518, les pèlerins qui reviennent de Compostelle sont refoulés à Bayonne : « L’on fait inhibition et défense à tous les passeurs et autres privés et étrangers qu’aucun ne soit assez hardi de faire passer la rivière ».
Quelques mois plus tard, la peste a gagné toute l’Espagne et l’interdiction se durcit à Bayonne (40 jours de bannissement et punition à la discrétion des édiles).
En 1569, la ville de Compostelle prend des dispositions contre les pèlerins « vagabonds sous l'apparence et cause de pèlerinage […] atteints de maux contagieux ». Leur séjour est interdit au-delà de trois jours sous peine d'être attachés au rollo (pilori) pour une durée de quatre heures et de recevoir 200 coups de fouet si, après avoir accompli la première peine, on les retrouve en ville « sans avoir un maître ».
En 1577 la municipalité de Léon recherche une ou deux personnes pour la garde des ponts pour empêcher « l'entrée dans cette ville des pèlerins ou des pauvres qui viennent de Compostelle et de Galice parce qu'on a appris que dans ces terres sévit la maladie de la peste ». Deux mois plus tard on insiste pour faire garder les portes de la ville pour cause de peste en Galicia y Vierzo.
En 1620, l’Espagne tente de fermer ses frontières. Dans les archives du Centro del Patrimino Documental de Euzkadi, plusieurs documents exhortent les administrations locales à empêcher l'entrée en Espagne des français en pèlerinage à Compostelle. Cette année là, exemple parmi d'autres, Elbeuf, en Normandie, contrée décimée par une peste terrible, envoya des pèlerins pour implorer saint Jacques :
« ... faire un dévot pèlerinage tant pour obtenir du ciel de faire cesser le fléau que pour prévenir le retour par la bienveillante intercession de ce saint dont les reliques sont encore à Compostelle ».
Bravant toutes les interdictions, 80 ans après, en 1698,  les habitants d’Elbeuf continuent à exécuter leur vœu de pèlerinage annuel « à protexion du glorieux Saint Jacques le Grand ».
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Le coronavirus m'a incitée à consacrer trois étapes à ce fléau que fut la peste. A partir de demain je vous propose de marcher avec des pèlerins de toute sorte, dont des textes gardent la trace, plus ou moins effacée. Ensemble, ils donnent une image de ce peuple pèlerin dispersé dans le temps et l’espace. Faite d’individus tellement différents, elle montre qu’il est illusoire de vouloir les classer en catégories.

Demain, pour commencer, un court récit de pèlerinage et une aquarelle, deux bijoux du patrimoine Saint-Jacques des XVIe et XVIIIe siècles.